Premières Journées scientifiques de l'ANRS | Maladies infectieuses émergentes

Premières Journées scientifiques de l'ANRS| Maladies infectieuses émergentes 

Dernière mise à jour le 13 mars 2023

Les premières Journées scientifiques de l’ANRS | Maladies infectieuses émergentes se sont tenues le 15 et 16 mars 2022 à Paris. Ce colloque a été l’occasion de présenter les actions de cette nouvelle agence à la communauté scientifique nationale et internationale pour favoriser la coordination, l’animation et la promotion d’une recherche transversale, collaborative et pluridisciplinaire. La venue de grands noms scientifiques, mais aussi des représentants des tutelles de l’agence : la ministre de l’Enseignement supérieur, de la Recherche et de l’Innovation, Frédérique Vidal, le ministre des Solidarités et de la Santé, Olivier Véran et le PDG de l’Inserm, Gilles Bloch ont fait de cet événement un moment unique de rencontres entre les différents acteurs de la recherche.

Ces deux journées ont permis aux experts invités de partager et d’échanger sur les pathologies du périmètre de l’agence : le VIH/sida, les hépatites virales, les IST, la tuberculose et les maladies infectieuses émergentes, notamment le SARS-CoV-2. La surveillance, la prévention, la recherche de cibles et de stratégies thérapeutiques, le développement de prophylaxies innovantes et l’organisation de l’accès aux soins sont autant d’axes nécessaires au contrôle des épidémies sur lesquels ont porté les présentations de ces deux jours, résumées ci-après.

Key figures

Retour sur ces deux journées en vidéo

Introduction de Chikwe IhekweazuIntroduction of Chikwe Ihekweazu

La réponse de la recherche aux pandémies : du VIH/sida à la Covid-19, quelles leçons tirer ?Research response to pandemics: from HIV/AIDS to Covid-19, what lesson learned ?

Dans son introduction, Chikwe Ihekweazu (Hub for Pandemic and Epidemic Intelligence, OMS) a mis en parallèle la crise sanitaire actuelle liée à la Covid-19 avec les épidémies de VIH et d’Ebola, en mettant en exergue l’accélération de la réponse aux crises apportée par la recherche, notamment avec la mise au point de vaccins en moins d’un an. Toutefois, la recherche doit accompagner la prise de décisions politiques. C’est l’objectif que s’est donné le Hub for Pandemic and Epidemic Intelligence de l’OMS, basé à Berlin, créé en 2021, pour améliorer l’analyse du flux de données et aider les pays à prendre des décisions éclairées pour la gestion des épidémies. Les données issues de la recherche doivent également être accessibles au plus grand nombre en tentant de réduire les inégalités entre les pays du nord et du sud : « L’ANRS et ses partenaires internationaux vont certainement jouer un rôle important à l’avenir dans ce cadre« , ajoute-t-il.

Vers la guérison et la fin du VIH/sida et des hépatites virales ?

Session 1

Modérée par Françoise Barré-Sinoussi (Institut Pasteur) et Marc Bourlière (hôpital Saint-Joseph, SESSTIM), cette session rappelle que l’une des priorités de l’agence est la recherche translationnelle sur la rémission et la guérison du VIH et des hépatites virales. Michaela Müller-Trutwin (Institut Pasteur) est revenue sur les difficultés à trouver un traitement curatif contre le VIH liées à l’existence de réservoirs viraux, la grande variabilité génétique du virus et ses stratégies d’évasion face à l’immunité. De nombreux travaux pluridisciplinaires portent sur l’inhibition du rebond virologique et la réduction du réservoir viral ; le consortium ANRS RHIVIERA en est un bon exemple. Michaela Müller-Trutwin a présenté les résultats d’études récentes menées sur des modèles simiens contrôlant le virus et les conclusions issues de la cohorte ANRS Visconti de patients contrôleurs du VIH post-traitement. Les données recueillies tendent à montrer le rôle clé des cellules NK (natural killer) et comment leur éducation est impliquée dans le maintien de la réponse anti-virale. Des études cliniques, de type « preuve de concept », sont en cours pour développer de nouvelles immunothérapies, qui ouvriront la voie vers une possible rémission.

Lors de sa présentation, Jennifer Gorwood (Karolinska Institute) a présenté un autre des enjeux majeurs de la recherche contre le VIH : réduire le réservoir viral contenu dans le tissu adipeux. Grâce à un examen du rôle des protéines virales et des inhibiteurs d’intégrase sur les dysfonctionnements adipocytaires, le développement de fibroses adipeuses et la résistance à l’insuline, de nouvelles pistes ont été identifiées pour diminuer la taille du réservoir adipeux et améliorer la prise en charge des patients.

La persistance du réservoir viral est également une problématique centrale pour la recherche de rémission fonctionnelle contre l’infection par le virus de l’hépatite B (VHB). Sous forme de mini-chromosomes cccDNA maintenus dans les cellules hépatiques de l’hôte, ce réservoir viral freine la guérison. L’intervention de Fabien Zoulim (université Lyon 1, Hospices civils de Lyon, CRCL) revient sur les acteurs moléculaires en jeu dans son maintien et sa réplication. Différentes molécules et stratégies de gene editing sont à l’étude pour permettre sa neutralisation via l’inactivation de sa réplication.

Par ailleurs, l’immunothérapie et la restauration des réponses immunitaires dans le compartiment hépatique, en stimulant les réponses innées et en remodelant les réponses adaptatives, ont été évoquées. Dans le cadre du projet IP-Cure-B, une étude préclinique est en cours pour évaluer l’efficacité d’un traitement par un agoniste de TLR8 sur des modèles de souris humanisées au foie chimérique. Priyanka Fernandes (Institut Pasteur) a ainsi présenté ses résultats montrant une validation fonctionnelle des différents modèles murins intégrés à l’étude et un recrutement des cellules NK dans le foie et la rate des souris traitées.

L’aperçu des recherches en cours et des progrès dans l’identification de nouvelles cibles et stratégies thérapeutiques donnent l’espoir d’arriver à une guérison fonctionnelle de l’hépatite B dans les dix prochaines années.

Epidemic surveillance: research input Surveillance des épidémies : apport de la recherche

Session 2

Aujourd’hui, les données de génomiques combinées à l’épidémiologie représentent une réponse fondamentale aux maladies infectieuses émergentes sur laquelle s’appuient les décisions de santé publique. La deuxième session de cette journée, modérée par Geneviève Chêne (Santé publique France) et Nicolas Meda (université Joseph Ki-Zerbo) a été consacrée à la surveillance des épidémies et aux apports de la recherche pour la réponse aux crises sanitaires à travers le monde.

Deborah Williamson (Doherty Institute, University of Melbourne) a ainsi illustré l’apport crucial de la génomique pour retracer les chaînes de transmission et caractériser les sous-populations de différents pathogènes (responsables de la syphilis, de l’encéphalite japonaise et de la Covid-19). Ces exemples rappellent que le séquençage seul est insuffisant sans les données épidémiologiques et cliniques permettant de les contextualiser. Le partage de ces données et l’équité dans la capacité de récolte de ces informations génomiques représentent un enjeu majeur pour une réponse globale et concertée face aux émergences.

Xavier de Lamballerie (université Aix-Marseille, IRD, UVE) a ensuite présenté le consortium EMERGEN pour déployer, sur le territoire national, un système de surveillance génomique du SARS-CoV-2 à des fins de santé publique et de recherche. Ce projet, coordonné par Santé publique France et l’ANRS | Maladies infectieuses émergentes, basé sur une approche interdisciplinaire, permet un suivi efficace de la situation épidémique en France. La mobilisation des acteurs du consortium a augmenté le nombre de séquences décrites de 3 000 en 2020 à 450 000 en 2021. Par ailleurs, seize projets s’articulant autour de divers axes de recherche (activités expérimentale et modèles animaux, cohorte, modélisation, analyse des eaux usées…) ont été financés par le consortium pour l’acquisition de nouvelles connaissances autour des variants du SARS-CoV-2.

La pandémie de Covid-19 a mis en évidence la difficulté pour certains pays africains de suivre l’évolution du SARS-CoV-2 sur leur territoire. Pour répondre à ce besoin, le consortium AFROSCREEN a été créé en 2021 afin de renforcer les capacités de séquençage de 13 pays d’Afrique (Bénin, Burkina Faso, Cameroun, Côte d’Ivoire, Ghana, Guinée, Madagascar, Mali, Niger, République centrafricaine, République démocratique du Congo, Sénégal, Togo). Avec le soutien de l’AFD et de l’ANRS | Maladies infectieuses émergentes et en partenariat avec l’Institut Pasteur, l’IRD et des laboratoires de ces 13 pays, ce projet a pour objectif de déployer deux méthodes génomiques : la PCR de criblage et le séquençage dans les laboratoires partenaires. Dramane Kania (Centre MURAZ, Bobo-Dioulasso, Institut national de santé publique, Burkina Faso), a ainsi exposé que, depuis janvier 2022, tous les laboratoires sont opérationnels pour la PCR de criblage et que des formations pour le séquençage sont en cours dans six pays.

Arlette Simo-Fotso (IRD, CEPED) a ensuite présenté les enquêtes PHIA (enquêtes en population d’évaluation de l’impact du VIH) déployées dans 16 pays d’Afrique. Ces enquêtes nationales mettent en évidence les progrès dans le contrôle du VIH via la cartographie de l’incidence du virus, l’évaluation de l’efficacité des actions mises en œuvre ainsi que l’intégration des données biologiques, épidémiologiques et sociologiques. Elles ont notamment permis l’amélioration du dépistage des enfants et ont montré le besoin de biomarqueurs pour suivre plus précisément la dynamique du virus dans ces pays.

Créés pour répondre à des situations d’urgence épidémique, ces projets renforcent la surveillance épidémiologique et génomique des territoires. Ces dispositifs structurants ont vocation à être pérennes pour permettre une réponse plus efficace aux prochaines crises.

Global health, sexual health and preventionSanté globale, santé sexuelle et prévention

Session 3

La troisième session a été consacrée à la santé globale, à la santé sexuelle et à la prévention, modérée par François Dabis (université de Bordeaux, ISPED, COREVIH Nouvelle-Aquitaine) et Hugues Fischer (TRT-5 CHV).

Kevin Fenton (CBE, Regional Director London – Office for Health Improvement and Disparities, London) a tout d’abord dressé un bilan des inégalités révélées par la crise de la Covid-19 au Royaume-Uni. Les données présentées montrent que les minorités ethniques sont plus largement touchées par l’épidémie. Ces disparités s’expliquent notamment par des facteurs sociaux impactant l’exposition des individus (travail, logement, famille…) et l’adhésion des populations aux actions de prévention et de vaccination. Ces constats ont conduit à la rédaction de recommandations par le Public Health England afin de restaurer la confiance des minorités vis à vis des autorités sanitaires, notamment via le déploiement de systèmes de proximité et d’actions communautaires.

Anne Gosselin (INED) a également abordé l’intérêt d’une approche intégrant les acteurs communautaires dans les projets de recherche pour cibler et inclure plus efficacement les immigrés, fortement touchés en France par le VIH et les hépatites B et C. Elle a rappelé les résultats des projets ANRS Parcours et VESPA 2, montrant que le risque d’acquisition du VIH est important après la migration, car la précarité (logement, statut légal…) est un facteur aggravant d’exposition au VIH. Les personnes immigrées sont également plus exposées au risque d’échec de traitement (mauvaise adhésion ou comorbidités) et à la discrimination. Les associations et acteurs communautaires doivent alors être intégrés à tous les stades de la recherche pour les populations les plus exposées.

Ces travaux ont montré l’importance de la prise en compte des inégalités sociales pour une riposte équitable et efficace face aux épidémies, notamment dans le domaine de la santé sexuelle. Comme le souligne la présentation de Nathalie Bajos (Inserm, IRIS), les inégalités prennent leurs sources dans un contexte social structuré par des rapports de domination liés au genre, à l’orientation sexuelle, mais aussi à la classe et à l’ethnie. Une approche intersectionnelle, consistant à considérer simultanément ces rapports de domination, permet ainsi d’appréhender plus finement les réalités sociales et d’adapter plus efficacement les politiques publiques de prévention et de soin.

En matière de prévention du VIH et des IST, Jean-Michel Molina (Université de Paris et Hôpitaux Saint Louis et Lariboisière AP-HP) a présenté les différents projets de recherche sur la prophylaxie pré-exposition (PrEP) réalisés sous l’égide de l’ANRS : les études IPERGAY (2012) puis PREVENIR (2017-2020), étudiant l’impact de la PrEP chez les hommes ayant des rapports sexuels avec les hommes (HSH) en Île-de-France. Des études sont prévues pour l’évaluation de nouvelles stratégies de PrEP ayant recours à des molécules alternatives ou à longue durée d’action. Dans le cadre de PREVENIR, plusieurs études vont voir le jour, notamment sur le Chemsex (pratique associant drogues et relations sexuelles). Un volet dédié aux IST est également prévu avec DOXYVAC, évaluant l’efficacité en prophylaxie pré-exposition de la doxycycline (contre la syphilis et les IST bactériennes) et du vaccin Bexséro® (contre le gonocoque).

La PrEP fait également partie des sujets de recherche menés par ARCAD SANTE PLUS au Mali, notamment avec la cohorte ANRS CohMSM, pour le suivi des HSH en Afrique de l’Ouest. Lors de son intervention,  Bintou Dembélé Keita (ARCAD SANTE PLUS, Mali) a ainsi présenté les apports concrets de la recherche communautaire sur l’offre de santé sexuelle au Mali. En effet, les travaux engagés depuis 1994 ont permis d’améliorer l’efficacité des actions de prévention pour le VIH et les IST auprès des populations clés : les travailleuses du sexe et les HSH. Nourrie par les résultats de la recherche, l’association plaide pour la facilitation juridique de la prise en charge médicale, la réduction de la stigmatisation des populations clés ainsi que pour leur intégration parmi les groupes vulnérables dans la loi sur le VIH/sida.

Enfin, Pierre Delobel (université de Toulouse, CHU de Toulouse, Infinity) a présenté l’état d’avancement des nouvelles recommandations françaises de prise en charge de l’infection VIH, des hépatites virales, et des IST. Prévues pour fin 2022, ces dernières constituent une nécessité en termes de santé publique, d’appui aux professionnels et de soutien aux patients.

Emerging infectious diseases and tuberculosisMaladies infectieuses émergentes et tuberculose

Session 4

La session 4, modérée par Martine Peeters (Inserm, IRD, université de Montpellier) et Jérôme Nigou (CNRS, université de Toulouse), consacrée à la tuberculose et aux maladies infectieuses émergentes présentait un état des lieux des recherches en cours pour répondre aux besoins spécifiques de chaque épidémie. L’amélioration de la surveillance épidémiologique, l’accès aux diagnostics, l’identification de cibles thérapeutiques et l’élaboration de stratégies vaccinales innovantes sont autant d’axes de recherches nécessaires à la riposte face aux émergences.

TUBERCULOSE

La tuberculose reste l’une des maladies infectieuses les plus meurtrières. Les difficultés de diagnostic, le peu de nouvelles molécules développées et la résistance aux traitements représentent des défis de taille pour les chercheurs afin de parvenir à mettre un terme à l’épidémie de tuberculose d’ici à 2030, selon les objectifs de développement durable des Nations Unies.

La présentation de Claudia Denkinger (Heidelberg University Hospital) a porté sur le besoin d’outils de diagnostic sensibles et spécifiques de la tuberculose. Jusqu’alors limités au crachat, les types de prélèvements analysables doivent être diversifiés (aérosols, écouvillon dans la cavité orale, transpiration, sang, selles et urine) pour cibler les populations touchées plus efficacement, notamment les enfants. L’une des priorités pour le déploiement de ces tests sur le terrain est la portabilité et la baisse des coûts des dispositifs. Le recours aux radiographies portables analysées par ordinateur, la détection et l’analyse des ADN libres circulants ou encore des tests antigéniques basés sur le modèle de ceux développés dans le cadre de la Covid-19 sont ainsi à l’étude. Par ailleurs, pour améliorer l’efficacité des protocoles de soins, les approches permettant la caractérisation des résistances (séquençage génomique, tests de sensibilité aux médicaments) doivent être pensées et plus largement mises en œuvre dans le cadre de la tuberculose.

L’émergence de sous-populations de Mycobacterium tuberculosis résistantes aux thérapies est, en effet, un enjeu de recherche épidémiologique et fondamentale majeur. L’intervention d’Alain Baulard (Inserm, Institut Pasteur, CIIL, Lille) a permis d’appréhender précisément la diversité des causes et la dynamique des résistances aux médicaments chez M. tuberculosis. Les molécules utilisées pour le traitement de la tuberculose sont des « prodrogues », administrées sous formes inactives et activées par des enzymes mycobactériennes. La résistance à ces prodrogues peut être médiée par des mécanismes de nature innée (faible expression de ces enzymes) ou acquise (mutations responsables de leur inactivation). Cette distinction a ouvert la voie au développement de thérapies innovantes basées sur l’administration de régulateurs transcriptionnels permettant d’augmenter la production des enzymes activatrices des prodrogues et donc la susceptibilité des bactéries in vitro et in vivo dans des modèles d’infection murins. Pour répondre aux résistances acquises, des molécules « booster » permettant de solliciter des voies métaboliques d’activation enzymatique alternatives récemment décrites sont également en cours de développement clinique.

FIEVRES HEMORRAGIQUES VIRALES

Marie Jaspard (Alima, Coral, Inserm, BPH) a mis en évidence un nouveau paradigme dans le suivi des épidémies d’Ebola sur la transmission à long terme du virus et les rechutes comme points de départ de résurgences. Deux études menées en République démocratique du Congo ont été évoquées : EVISTA, une cohorte prospective, et PALM, une étude clinique évaluant l’efficacité de trois traitements (antiviraux et anticorps monoclonaux), comptant chacune environ 700 patients. Ces études montrent l’urgence de concevoir de nouveaux protocoles thérapeutiques capables de pénétrer les réservoirs viraux et l’importance des soins de support (contrôle des symptômes, surveillance biologique de la glycémie, des électrolytes…). Par ailleurs, une corrélation a été démontrée entre la mortalité et la charge virale des patients au moment de leur admission dans les centres de traitement. Marie Jaspard a également évoqué le besoin d’une prophylaxie post-exposition pour les personnes contact à haut risque de transmission du virus.

La fièvre de Lassa, responsable de 500 à 1 000 cas par an en Afrique de l’Ouest, est une fièvre hémorragique pour laquelle aucun traitement efficace ni vaccin n’est aujourd’hui disponible. Une cohorte prospective, LASCOPE, a été initiée pour mieux comprendre les paramètres cliniques et biologiques de la maladie. Ces travaux ont notamment permis de préciser la mortalité associée à cette fièvre, représentant 12 % des patients hospitalisés, ainsi que l’impact de la maladie sur les fonctions rénales. Alors que l’efficacité de la ribavirine (traitement aujourd’hui utilisé) est remise en question par divers travaux, l’étude clinique SAFARI de phase II au Nigéria est en cours pour évaluer le potentiel d’un traitement alternatif : le favipiravir.

En parallèle des efforts évoqués pour le développement de thérapies pour la fièvre de Lassa, la recherche de solutions vaccinales progresse pour ce pathogène. En effet, lors de son intervention, Mathieu Mateo (Institut Pasteur, UBIVE, Lyon) a présenté les résultats de son étude pré-clinique sur modèle simien pour un vaccin, le MV-LASV, composé de deux antigènes (glycoprotéine et nucléoprotéine). Ce candidat vaccin a montré une bonne réponse immunitaire à court et long termes, ainsi qu’une protection croisée contre sept différentes souches du virus. Une étude clinique de phase I a été initiée et ses résultats devraient bientôt être dévoilés.

ARBOVIROSES

Le groupe ArboFrance, réseau multidisciplinaire et multi-institutionnel qui regroupe les chercheurs en arbovirologie humaine et animale créé sous l’égide de REACTing en 2019, a été présenté par Anna Bella Failloux (Institut Pasteur). Son objectif est de créer un système de veille et d’alerte auprès de l’ANRS | Maladies infectieuses émergentes et des autorités sanitaires, de renforcer et faciliter les interactions entre les équipes de surveillance et de recherche en métropole et dans les territoires ultramarins, d’aider au montage de projets de recherche en favorisant une approche multidisciplinaire de type One Health et de fournir à la communauté nationale une expertise basée sur des travaux scientifiques en soutien aux politiques publiques. Les actions du réseau ont, par exemple, donné lieu à la création d’une cohorte d’étude de facteurs prédictifs des dengues sévères sur tous les territoires ultramarins ainsi qu’à la mise en place d’une plateforme de séroprévalence des arboviroses chez les donneurs de sang en métropole. Le réseau est désormais doté de comités d’orientation stratégique, de pilotage et d’experts.

Une des approches privilégiées pour le contrôle des arboviroses consiste à mieux comprendre les mécanismes et les facteurs impactant la colonisation virale du vecteur moustique. Lors de son intervention, Ottavia Romoli (Institut Pasteur) a présenté ses recherches sur le microbiote des moustiques, ainsi qu’un protocole développé pour obtenir des moustiques germ-free, basé sur l’utilisation de bactéries auxotrophes. Cette approche innovante a permis d’acquérir des connaissances sur le rôle des bactéries dans le développement des moustiques et constitue la base d’une étude menée pour la compréhension du rôle du microbiote dans la transmission des arbovirus.

COVID-19

Les études réalisées sur la pathogénicité du SARS-CoV-2 ont montré que les formes graves étaient en partie liées à des facteurs de l’hôte, notamment dues à une réponse immunitaire dérégulée lors de l’infection. Rémi Planès (InvivoGen, IPBS) a présenté ses travaux sur la description d’un mécanisme immunitaire inné en jeu lors de l’infection in vitro d’un modèle de cellules épithéliales pulmonaires primaires. En effet, cette étude met en évidence la mort cellulaire par pyroptose (forme hautement inflammatoire de la mort cellulaire programmée) de cellules infectées à la suite de la reconnaissance de molécules virales par le senseur NLRP1. Cette mort cellulaire induite semble être un mécanisme antiviral puisque les cellules exprimant NLRP1 produisent moins de particules virales infectieuses. Par ailleurs, une suractivation de cette voie pourrait être associée à la gravité de la maladie, car les marqueurs des pyroptosomes sont enrichis chez les patients présentant des formes sévères de la maladie.

La description des différents mécanismes immunitaires, innés et acquis, permettent de mieux comprendre la pathogénicité du virus et le maintien de l’immunité vaccinale. En effet, les travaux de Yanis Feraoun (CEA, IDMIT) ont montré une immunité innée mémoire non spécifique induite à la suite de la vaccination par le vecteur vaccinia virus Ankara (MVA) dans un modèle macaque. Cette mémoire immunitaire innée, dont le lien avec la réponse adaptative reste encore à élucider, sera à prendre en compte lors de la conception et de l’évaluation des stratégies vaccinales utilisant ce vecteur.

Isabelle Dimier-Poisson (université de Tours, INRAE) a, quant à elle, présenté une autre approche vaccinale innovante en spray nasal contre la Covid-19, constituée d’antigènes encapsulés (Spike et antigènes stables) dans des nanoparticules adhésives aux muqueuses. Les tests pré-cliniques ont démontré l’efficacité de ce candidat vaccin, en termes de réponse immunitaire et de neutralisation précoce du virus dans les fosses nasales, diminuant ainsi le risque de transmission. Les résultats des essais précliniques sur rongeurs ont montré une protection croisée pour tous les variants testés. Une levée de fonds est en cours pour commencer les essais cliniques prochainement.

Contrôler l’épidémie de Covid-19 et se préparer aux futures crisesControlling the Covid-19 epidemic and preparing for future crisis

Session 5

Cette session, modérée par Marie-Paule Kieny (Inserm) et Jean-François Delfraissy (CCNE, conseil scientifique Covid-19) a permis de questionner la place des antiviraux dans l’arsenal thérapeutique contre la Covid-19, le rôle des modélisateurs dans la prise de décisions de santé publique et plus largement la responsabilité du chercheur face à la société en temps de crise.

Alors que la composante virale semble être minoritaire dans les complications de la Covid-19, Florence Ader (université Claude-Bernard et CHU de Lyon, CIRI) a présenté la valeur ajoutée des traitements antiviraux pour les populations immunocompromises, plus susceptibles de développer des formes sévères. Il semble important d’aller au-delà du repositionnement de molécules existantes pour élaborer de nouvelles stratégies antivirales spécifiques (antiviraux à action directe et anticorps monoclonaux) pour attenuer l’impact de la Covid-19. Ces traitements seront à intégrer dans un cadre de recommandations évolutives et adaptables en fonction des populations concernées et des variants émergents.

Les modélisations mathématiques occupent une place centrale dans l’évolution des recommandations de santé publique formulées au cours de la crise sanitaire. Vittoria Colizza (Inserm, IPLESP) a rappelé les bases qui sous-tendent cette discipline récente dans le domaine des maladies infectieuses. Les modélisations tentent d’analyser les événements passés afin d’élaborer des scenari sur l’évolution des situations à venir. L’objectif est également de comprendre les paramètres et mécanismes clés de l’évolution épidémique, ainsi que de tester l’impact des interventions de santé publique. Le recueil de données de qualité est fondamental pour la précision des modèles proposés et doit se faire en collaboration avec des acteurs de terrain. Par ailleurs, les modèles présentent des limites à prendre en compte dans leur interprétation, l’une d’elles étant le caractère imprévisible des comportements humains. Pour toutes ces raisons, il incombe aux chercheurs de communiquer clairement auprès des pouvoirs publiques et de la population générale pour favoriser la juste compréhension des modèles mathématiques.

Jeremy Farrar (Wellcome Trust) a également insisté, dans son plaidoyer, sur les responsabilités portées par la communauté scientifique vis à vis de la société civile. En cette période de crise sanitaire, exacerbant les incertitudes, il est primordial d’œuvrer pour plus d’égalité et de transparence dans l’accès aux données scientifiques. Les acteurs de la recherche doivent prendre la parole pour valoriser les méthodes scientifiques et incarner la volonté d’agir pour le bien commun. Les déterminants sous-jacents à l’émergence de maladies (réchauffement climatiques, mondialisation des échanges…) n’étant pas maîtrisés, il est probable que la Covid-19 ne soit pas la dernière crise sanitaire à laquelle les populations devront faire face. Il faut alors alors penser collectivement des solutions pérennes pour être plus agiles face aux prochaines crises et ancrer la confiance entre science et société.

Conclusion des Journées scientifiques Conclusion of ANRS Scientific Days

Les premières Journées scientifiques de l’ANRS | Maladies infectieuses émergentes ont mis en exergue les actions phares menées par l’agence et ses partenaires en matière de recherche et de lutte contre le VIH, les hépatites virales, les IST, la tuberculose et les maladies infectieuses émergentes. « L’ANRS a beaucoup œuvré sur le VIH et les hépatites : il faut appliquer son modèle de fonctionnement historique aux maladies infectieuses émergentes », rappelle Sharon Lewin (Peter Doherty Institute for infection and Immunity, Australie et présidente du conseil scientifique de l’ANRS | Maladies infectieuses émergentes). Les différentes interventions ont également souligné la richesse apportée par la recherche sur les maladies émergentes applicables aux thématiques historiques en matière de surveillance, de séquençage et de modélisation.

Cet événement a été l’occasion de rassembler de nombreux collaborateurs et partenaires multidisciplinaires, multi-institutionnels et issus de l’industrie. Pour Gilles Bloch, PDG de l’Inserm : « ces communautés, qui se consolident, représentent un potentiel d’excellence remarquable et un espoir pour la préparation aux futures crises ». Les projets présentés aux cours de ces deux jours montrent l’implication de l’agence dans le financement de la recherche, mais aussi « l’intense travail mené autour de réflexions stratégiques pour structurer la réponse aux crises sanitaires en cours et à venir », salue Gilles Bloch.

Les partenariats internationaux ont été largement représentés, montrant une volonté de construire une santé plus équitable, « une dimension indispensable pour construire la santé globale », rappelle Olivier Véran, ministre des Solidarités et de la Santé. « L’ouverture à l’international est nécessaire à l’étude des émergences », indique Yazdan Yazdanpanah, pour enrichir les projets d’expériences plus proches des réalités de terrain et permettre des ripostes concertées et efficaces. Les jeunes chercheurs français et internationaux ont également été mis en lumière lors de ces Journées scientifiques, avec pour objectif de mettre en place « un vrai compagnonnage entre les générations les plus expérimentées et les plus jeunes », souligne Olivier Véran, car « ce sont eux le futur de l’agence », affirme Yazdan Yazdanpanah.

La richesse des échanges, l’enthousiasme des participants et des intervenants, ainsi que le foisonnement des projets et des réalisations scientifiques présentés, montrent que « la vitalité et les ambitions de l’agence sont intactes depuis sa création », pour reprendre les mots de Gilles Bloch.

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