Covid-19 et troubles psychiques : impact de la pandémie sur la santé mentale des Français

Publié le 26 juillet 2023

Identifier les effets des épidémies sur la santé mentale des populations est un enjeu de santé publique majeur, nécessaire à l’élaboration de politiques de santé efficaces visant à renforcer la prévention sur les risques psychosociaux et à améliorer la prise en charge psychologique et psychiatrique des personnes en contexte épidémique.

L’ANRS | Maladies infectieuses émergentes est engagée dans cette démarche de santé publique et soutient plusieurs projets de recherche visant à mieux comprendre la corrélation entre épidémies et santé mentale. Le projet COVID-SM en fait partie et a fait l’objet de plusieurs publications dans les revues PLOS Medicine, JAMA Network, et Frontiers in public health.

Le projet COVID-SM vise à mieux comprendre le rôle des facteurs contextuels liés à la pandémie de Covid-19 et leurs interactions avec des facteurs de vulnérabilité, tels que les problèmes de santé mentale préexistants, à l’échelle de la population française. Ce projet permet également d’identifier en contexte de crise sanitaire des profils de personnes présentant une santé mentale vulnérable, afin de mieux cibler les interventions de prévention.

Quatre objectifs sont étudiés à partir des données issues des grandes cohortes en population générale française (projets SAPRIS[1] et EpiCoV[2]) et du Système national des données de santé (SNDS) :

  1. identifier les facteurs démographiques, socioéconomiques, liés à la santé et aux mesures sanitaires dues à l’épidémie (ex. télétravail, chômage partiel), qui sont associés à l’évolution des niveaux de symptômes d’anxiété et/ou de dépression entre avant et après le premier confinement, au cours et au décours du premier confinement ;
  2. évaluer la fréquence et les facteurs liés aux difficultés de santé mentale chez les personnels soignants en contexte de crise sanitaire ;
  3. évaluer le lien entre l’infection par le virus responsable de la Covid-19 et la santé mentale ;
  4. évaluer l’accès au système de soins en santé mentale et à la consommation de médicaments psychotropes au cours du confinement pour les personnes ayant des difficultés psychologiques préexistantes.

[1]  SAPRIS est une vaste enquête longitudinale en population générale qui permet d’appréhender les principaux enjeux épidémiologiques et sociaux de l’épidémie de SARS-CoV-2 et les mesures prises pour la combattre.

[2] EPiCoV est une cohorte nationale sur l’état de santé des Français et sur leurs conditions de vie en temps d’épidémie de Covid-19.

Quel lien établir entre le SARS-CoV-2 et le risque de développer des pensées suicidaires ?

Afin de vérifier l’hypothèse selon laquelle l’infection par le SARS-CoV-2 semblerait associée à un risque plus élevé de développer des pensées suicidaires, des chercheurs ont élaboré une étude dans laquelle les données de plus de 52 000 participants de la cohorte Epicov ont été analysées. Parmi eux, 53,84 % étaient des femmes ; 60,92 % avaient plus de 45 ans ; 82, 01% étaient nés en France métropolitaine de parents nés en France métropolitaine et 59,38 % avaient terminé leurs études secondaires.

Les résultats ont montré que les personnes présentant des symptômes de type Covid-19 au cours de la première année de la pandémie avaient 1,43 fois plus de risque de développer des pensées suicidaires par la suite, mais ce constat n’a pas été observée en cas d’infection par le SARS-CoV-2 confirmée sérologiquement. D’autres études sont nécessaires pour confirmer le rôle du virus dans le risque de suicide.

Par ailleurs, afin de lutter contre l’augmentation des pensées suicidaires en contexte de crise épidémique, l’équipe de recherche recommande vivement de renforcer les recommandations à destination des personnes présentant une santé mentale instable et de leur fournir des ressources et outils indispensables à leur prise en charge.

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Suicidal ideation following self-reported COVID-19-like symptoms or serology-confirmed SARS-CoV-2 infection in France: A propensity score weighted analysis from a cohort study

Camille Davisse-Paturet, Massimiliano Orri, Stéphane Legleye, Aline-Marie Florence, Jean-Baptiste Hazo, Josiane Warszawski, Bruno Falissard, Marie-Claude Geoffroy, Maria Melchior, Alexandra Rouquette, the EPICOV study group.

PLOS Medicine, 14 février 2023

https://doi.org/10.1371/journal.pmed.1004171

Impact du SARS-CoV-2 sur les taux de dépression et d’anxiété chez des personnes ayant auto-déclaré des symptômes de la Covid-19 et chez des personnes séropositives au virus

Afin de vérifier l’hypothèse selon laquelle le SARS-CoV-2 serait associé à une dépression et/ou à une anxiété subséquente à long terme, l’équipe de recherche a développé cette étude de cohorte en mai 2020 et a réalisé des suivis en novembre 2020 et juillet 2021. L’étude s’est appuyée sur les données d’EpiCoV. 45 260 participants âgés de 51,1 ans en moyenne ont été inclus, suivant les critères de l’étude. Parmi eux, 52,4 % sont des femmes dont 8 % souffrant de dépression et 5,3 % d’anxiété en juillet 2021.

Les résultats de cette étude de cohorte ont montré que si les symptômes de type Covid-19 sont associés à une dépression ou à une anxiété ultérieure chez des personnes séronégatives, l’infection par le SARS-CoV-2 n’est pas un facteur de risque de dépression ou d’anxiété ultérieure[3]. Ce constat suggère que des facteurs autres que l’infection par le SARS-CoV-2 sont impliqués dans cette association. Des recherches supplémentaires sont nécessaires pour identifier ces facteurs, car ils pourraient être ciblés et permettre de prévenir les conséquences psychologiques chez les personnes présentant ce type de symptômes et aider les patients souffrant de dépression et de troubles de l’anxiété dans un contexte de crise épidémique similaire.

[3] 14,5% et 8,7% des participants ayant présenté des symptômes de type Covid-19 présentaient respectivement des signes ultérieurs de dépression ou d’anxiété, contre 7,1% et 4.8% chez les participants n’ayant pas présenté de symptômes type Covid-19.

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Comparison of Depression and Anxiety Following Self-reported COVID-19–Like Symptoms vs SARS-CoV-2 Seropositivity in France

Alexandra Rouquette, Arthur Descarpentry, Fallou Dione, Bruno Falissard, Stéphane Legleye, Cécile Vuillermoz, Anne Pastorello, Laurence Meyer, Josiane Warszawski, Camille Davisse-Paturet, Maria Melchior,

JAMA Network Open, 11 mai 2023

doi:10.1001/jamanetworkopen.2023.12892

Conséquences du SARS-CoV-2 sur la santé mentale des jeunes adultes employés, en études et au chômage

Dans la population générale, l’un des facteurs associés à une détérioration de la santé mentale est le fait d’être un jeune adulte. Plusieurs études ont montré que les étudiants à l’université connaissaient une augmentation particulièrement importante de la prévalence de la dépression et des troubles anxieux, environ un tiers d’entre eux souffre de l’un ou l’autre de ces troubles.

Durant la pandémie de Covid-19, la France a été l’un des pays les plus sévèrement touché et cela s’est notamment remarqué chez les jeunes adultes. Selon une enquête nationale représentative de la population française menée par l’agence Santé publique France[4], la prévalence des symptômes de dépression chez les 18-24 ans a été estimée à 16 % au printemps 2020 et à 22 % en janvier 2022. 33 % d’entre eux souffraient d’anxiété au printemps 2020 et 43 % en janvier 2022, soit le double des taux observés avant la pandémie de Covid-19.

2217 jeunes adultes âgées de 18 à 30 ans ont été inclus dans cette sous-étude, 45 % d’entre eux avaient un emploi, 40,6 % étudiaient, 9,2 % étaient au chômage et 5,2 % étaient inactifs. 59,5 % étaient âgées de 18 à 24 ans et 49,2 % étaient des femmes.

L’objectif de cette étude était d’analyser l’association entre la situation professionnelle chez les jeunes adultes et le taux de prévalence relatif à la dépression au sein de ce groupe social au cours de la pandémie de Covid-19. L’équipe de recherche a comparé les jeunes adultes qui avaient un emploi à ceux qui étudiaient ou étaient au chômage tout en tenant compte des facteurs sociodémographiques et sanitaires potentiellement associés aux symptômes dépressifs, y compris les antécédents de problèmes de santé mentale avant la pandémie de Covid-19.

Les chercheurs et chercheuses ont constaté que par rapport aux jeunes adultes employés, ceux qui étudiaient ou étaient au chômage étaient significativement plus susceptibles de souffrir de dépression[5]. En stratifiant leurs analyses en fonction de l’âge, ils ont observé que le chômage était plus fortement associé à la dépression chez les participants âgés de 25 à 30 ans que chez ceux âgés de 18 à 24 ans. Le fait de ne pas être sur le marché du travail était, au contraire, plus significativement associé à la dépression chez les participants âgés de 18 à 24 ans que chez ceux âgés de 25 à 30 ans. Les étudiants et les personnes au chômage étant plus exposés que les jeunes adultes ayant un emploi, l’équipe de recherche recommande qu’une attention particulière soit portée aux jeunes adultes en formation ou à la recherche d’un emploi afin de renforcer la prévention à l’égard de cette cible et améliorer leur prise en charge.

 

[4] France SP. CoviPrev: une enquête pour suivre l’évolution des comportements et de la santé mentale pendant l’épidémie de Covid-19 (2022)

[5] Au total, par rapport au personnes qui travaillent, la probabilité d’être déprimés chez les étudiants est 29% plus élevée et chez les personnes qui sont sans emploi 50% plus élevée.

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Labor market participation and depression during the COVID-19 pandemic among young adults (18 to 30 years): A nationally representative study in France

Maria Melchior, Aline-Marie Florence, Camille Davisse-Paturet, Bruno Falissard, Cédric Galéra, Jean-Baptiste Hazo, Cécile Vuillermoz, Josiane Warszawski, Fallou Dione et Alexandra Rouquette (au nom du groupe d’étude EPICOV).

Frontiers in public health, 24 octobre 2022

DOI : https://doi.org/10.3389/fpubh.2022.904665

Le saviez-vous ?

Le projet COVID-SM a été labellisé « Priorité nationale de recherche » par le Comité ad-hoc de pilotage national des essais thérapeutiques et autres recherches sur la Covid-19 (CAPNET).