Journées scientifiques 2024 de l'ANRS MIE

Les 21 et 22 mars 2024 au Centre international de conférences à Sorbonne Université (CICSU)

Du 21 au 22 mars 2024

L’essentiel

Les 21 et 22 mars 2024, a eu lieu le grand rendez-vous annuel de l’ANRS Maladies infectieuses émergentes (ANRS MIE) que sont les Journées scientifiques de l’agence au Centre international de conférences de Sorbonne Université, à Paris.
Pour cette édition 2024, le programme de ce colloque a eu pour fil conducteur la transmission des maladies infectieuses.
Ce colloque s’attache à couvrir l’ensemble des pathologies du périmètre de l’ANRS MIE : VIH/sida, hépatites virales, IST, tuberculose, viroses respiratoires, maladies infectieuses émergentes et réémergentes. Dans ce cadre, il vise à aborder les spécificités et les enjeux propres à chacune de ces pathologies en lien avec la question de la transmission. Les différentes sessions ont été élaborées, avec enthousiasme, par le comité scientifique de cette édition 2024, dont nous souhaitons ici saluer l’investissement à nos côtés.
Des scientifiques français et internationaux de renom étaient présents pour échanger autour des enjeux et des dernières actualités liées aux sujets abordés lors de cette nouvelle édition. Dans le souci de continuer à miser sur l’avenir, cette année encore, une place particulière a été donnée à la nouvelle génération de chercheuses et chercheurs.

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Retrouvez l’intégralité des sessions et les interviews réalisés sur notre chaine You Tube.

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Replay des journées scientifiques

Compte-rendu des sessions

Cette année, le thème de ces journées scientifiques était « La transmission » avec 6 sessions.

Session 1 : Transmission mère-enfant du VIH et des hépatites

Prévention de la transmission du VIH par l’allaitement maternel : le programme de recherche du consortium africain-européen PROMISE

Philippe VANDE PERRE (Pathogenesis and Control of Chronic and Emerging Infections, Inserm, Université de Montpellier, Montpellier, France)

Créé en 2004, le Consortium PROMISE est composé d’universités européennes et africaines – celles de Bergen (Norvège), Montpellier (France), Ouagadougou (Burkina Faso), Lusaka (Zambie), Makerere University (Ouganda) et Western Cape et Pretoria (Afrique du Sud). Il réunit des experts de diverses disciplines, avec un accent particulier mis sur l’élimination de la transmission du VIH lors de l’allaitement maternel. Ces 20 dernières années, le consortium a reçu six subventions européennes pour mener des essais cliniques : des articles scientifiques de haut niveau ont été publiés et leurs résultats ont eu un impact profond sur les recommandations internationales (OMS, ONUSIDA) en matière de prévention du VIH pédiatrique. Avec ses biobanques et ses bases de données, le consortium est également engagé en science fondamentale et en recherche épidémiologique. Il a aussi amélioré le renforcement des capacités en Afrique et en Europe, avec le soutien de dizaines d’étudiants en master et en doctorat. Trois nouveaux programmes sont actuellement en cours. En Zambie, une étude sur la mise en place d’un ensemble innovant de soins post-natals pour prévenir la transmission du VIH a débuté. Une nouvelle stratégie universelle de protection en utilisant des anticorps monoclonaux à longue durée d’action capables de neutraliser le VIH est également explorée. Deux essais de phase 1 et 2, PedMab et SAMBULELO, lancés en Afrique du Sud, devraient fournir des résultats préliminaires sur la tolérance et la protection de ces approches d’immunoprophylaxie passive et jeter les bases d’un essai de phase 3/4.

Le risque résiduel de la transmission mère-enfant de l’hépatite B malgré la vaccination à la naissance

Yusuke SHIMAKAWA (Unité d’Épidémiologie des Maladies Émergentes, Institut Pasteur, Paris, France)

En Afrique subsaharienne, l’administration du vaccin contre le virus de l’hépatite B (VHB) à la naissance reste insuffisante. Peu de données montrent que les pays africains devraient se concentrer sur l’augmentation de la couverture vaccinale ou développer des stratégies incorporant des mesures supplémentaires comme la prophylaxie antivirale pour les femmes enceintes à haut risque. Pour mieux informer les décideurs, nous avons estimé le risque résiduel de transmission mère-enfant au Cameroun. Sur les 3 901 enfants nés de mères porteuses de l’antigène de surface du VHB (AgHBs), seuls 2 004 ont été vaccinés à la naissance ; parmi eux, 607 ont été suivis pour une enquête sérologique. Les résultats indiquent que même avec une administration vaccinale en temps voulu, le taux de prévalence de l’AgHBs chez les enfants reste important, atteignant 16,7 % chez ceux vaccinés entre 48 et 96 heures après la naissance. En outre, une forte corrélation a été observée entre les mères positives pour l’antigène ‘e’ du VHB (AgHBe) avec un taux élevé d’ADN viral et l’infection chez leur progéniture. Ces constatations soulignent l’importance de la mise en place de stratégies supplémentaires comme la prophylaxie antivirale pour réduire efficacement la transmission mère-enfant du VHB dans certaines régions d’Afrique, en complément de l’augmentation de la couverture vaccinale à la naissance.

Développement neurocognitif et santé mentale des adolescents exposés au VIH mais non infectés

Florence BODEAU-LIVINEC (Département Méthodes quantitatives en santé publique METIS, EHESP, Rennes, France)

Le virus de l’immunodéficience humaine (VIH) chez la mère peut avoir d’importantes conséquences à court et à long termes sur les enfants et les adolescents en Afrique subsaharienne (ASS), où l’on estime à 1,4 million le nombre d’enfants exposés au VIH in utero. Des études ont montré que les enfants nés de mères séropositives ont un développement cognitif altéré comparé à celui des enfants nés de mères séronégatives. Le VIH maternel peut également être associé à un risque plus élevé de décès chez les nourrissons au cours des premières années de leur vie. Le VIH maternel pourrait en outre avoir des conséquences importantes sur le développement émotionnel et mental des enfants. Il reste encore beaucoup à faire pour combler les lacunes actuelles de la recherche sur ce sujet. C’est pourquoi nous menons une enquête de cohorte à long-terme au Mozambique.

Evaluation post-natale d’une stratégie intégrée et coordonnée de triple élimination de la transmission mère-enfant des infections par le VIH, la syphilis et le VHB au Burkina Faso et en Gambie : le projet TRI-MOM

Alice Nanelin GUINGANE (Centre Muraz, Institut national de santé publique, Bobo Dioulasso, Burkina Faso)

L’Afrique de l’Ouest est fortement frappée par l’hépatite B, l’infection à VIH et la syphilis, dont la co-infection aggrave le risque de transmission mère-enfant (TME) et ses complications néonatales. La morbi-mortalité liée à la TME de ces infections est préoccupante dans cette région, où l’implémentation d’interventions pour la prévention a pris un retard considérable. Pourtant la TME de ces 3 infections pourrait être évitée avec des interventions simples et efficaces comme l’intégration dans un modèle de « triple élimination ». Récemment proposée par l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) et soutenue par l’ANRS, cette approche pourrait accélérer le contrôle et l’élimination de ces infections.

Le projet de recherche proposé par TRI-MOM, Phase 2 s’inscrit dans la continuité du projet TRI-MOM Phase 1, financé par Expertise France (2022-2025) dont l’objectif principal est d’implémenter une stratégie simplifiée, intégrée et coordonnée de triple élimination de la TME VIH/Syphilis/VHB dans 8 structures de santé maternelle et infantile du Burkina Faso et de la Gambie. La stratégie proposée comprend également un volet communautaire de renforcement des capacités des femmes. Une telle stratégie n’a jamais été expérimentée jusqu’à présent en Afrique subsaharienne. Le projet TRI-MOM, Phase 2 y évaluera donc son impact. Notre étude fournira des données nouvelles qui pourront guider les programmes nationaux de lutte contre le VIH et les hépatites virales et alimenter les prochaines recommandations de l’OMS pour la prévention de la TME du VHB.

Evaluation du test rapide Hepatitis B core-related antigen (TDR-HBcrAg) pour détecter les mères ayant des charges virales élevées de l’hépatite B au Cambodge, au Cameroun et au Burkina Faso

Jeanne VINCENT (UMR 261 MERIT – Institut de Recherche pour le Développement, Université Paris Cité, Paris, France)

Cette étude, menée au Cambodge, au Cameroun et au Burkina Faso, a évalué l’efficacité du nouveau test de diagnostic rapide basé sur le marqueur ‘Hepatitis B core-related antigen’ (TDR-HBcrAg) pour détecter les mères ayant des charges virales du VHB élevées. Le test a été évalué rétrospectivement au Cambodge et au Cameroun à partir d’échantillons de sérum et prospectivement au Burkina Faso à partir de sang capillaire.  Pour les trois pays, la sensibilité globale du TDR-HBcrAg était de 93,1 %. Elle était de 94,0% pour le Cambodge, 90,9 % pour le Cameroun et 89,7 % pour le Burkina Faso. La spécificité du test était globalement de 94,3 % (95,2 %, 92,7 % et 94,2 %, pour chacun des pays, respectivement).

Le TDR-HBcrAg a démontré une forte efficacité diagnostique pour détecter les femmes ayant des charges virales élevées de l’hépatite B et pouvant nécessiter le traitement antiviral pendant la grossesse pour prévenir la transmission mère-enfant.

Session 2 : Naître, grandir et vieillir avec le VIH/sida

Présentation des résultats de l’enquête interassociative en cours sur le sujet « Vieillir avec le VIH » à destination des + de 50 ans et des professionnels de santé

Xtophe MATHIAS, Les ActupienNEs 

Une enquête a été menée en ligne et lors d’entretiens pour évaluer les besoins et les attentes des personnes de plus de 50 ans vivant avec le VIH et des professionnels qui les accompagnent.

Le questionnaire destiné aux personnes vivant avec le VIH comportait 75 questions relatives à leur profil, leur quotidien, leur état de santé, leur prise en charge et leur vision de l’avenir. Celui élaboré pour les professionnels contenait 32 questions concernant leur profil, le public accompagné, leurs connaissances, la coordination, les traitements, l’accompagnement et les besoins identifiés. L’objectif de cette étude était de faire émerger des idées, des projets et plaidoyers dont pourraient se saisir les associations autour du vieillissement chez les personnes vivant avec le VIH. L’étude a été co-construite sous l’égide de MoiPatient par des professionnels de santé et ActupienNEs, Actions Traitements, Aides, Comité des familles, Da Ti Seni, Envie, Grey Pride, La Maison de vie, Les petits Bonheurs, RSMS, Sidaction et Tempo.

Spécificités du système immunitaire chez les enfants/adolescents vivant avec le VIH (à partir des données de l’étude ANRS CLEAC menée en France, et du projet en cours sur les enfants infectés mais restés séronégatifs dans la cohorte ANRS PEDIACAM)

Florence BUSEYNE (Unité d’Epidémiologie et de Physiopathologie des Virus Oncogènes, Institut Pasteur, Paris, France) et Mathurin TEJIOKEM (Service d’Epidémiologie et de Santé Publique, Centre Pasteur du Cameroun, Yaoundé, Cameroun) 

Le projet ANRS-EP59-CLEAC est une étude physiopathologique dont l’objectif est de comparer le statut immunologique et virologique d’enfants (5-12 ans) et d’adolescents (13-17 ans) infectés par le VIH-1 et ayant initié un traitement antirétroviral précoce (< 6 mois) ou tardif (> 24 mois). Parmi les 76 participants, neuf avaient une sérologie négative avec un test de 4ème génération. Ils avaient tous initié un traitement précoce et huit d’entre eux étaient des enfants. L’analyse de l’ensemble des participants montre qu’une réplication virale de courte durée et de faible niveau est une condition nécessaire, mais non suffisante, pour expliquer les sérologies VIH négatives. Une analyse restreinte aux 24 enfants du groupe précoce, dont la virémie était < 50 copies/ml lors de l’étude, a permis d’identifier d’autres facteurs associés à une sérologie VIH négative : un âge plus bas au début du traitement, une quantité et une qualité de lymphocytes T CD4 plus élevées, une proportion plus importante de lymphocytes T CD8 exprimant la molécule CXCR5 – population cellulaire associée au contrôle virologique dans d’autres travaux. Il s’avère donc que dans un groupe d’enfants ayant initié un traitement précoce, une sérologie VIH négative est associée à un statut immunitaire favorable. Ce test pourrait être un biomarqueur pertinent pour identifier des sujets éligibles aux futures thérapies de rémission/cure du VIH.

Dans la cohorte ANRS 12225-Pediacam III, constituée entre autres d’enfants infectés par le VIH, identifiés avant l’âge de 7 mois entre 2007 et 2011 et toujours suivis, 18,8 % (19/101) parmi ceux testés par ELISA entre les âges de 18 et 24 mois avaient une sérologie négative. Chez ces derniers, l’âge médian à l’initiation du traitement antirétroviral était de 3,2 mois (EIQ : 2,7 – 3,6). Au cours du suivi, le profil sérologique s’est révélé différent par rapport au résultat de la première sérologie VIH (négatif, positif, ou indéterminé), conduisant à une proportion de sérologie négative d’environ 25,7% (26/101). De même, la réplication virale avant la première sérologie était significativement moins contrôlée chez ceux avec une première sérologie « positive ». Le mécanisme expliquant l’absence d’anticorps anti-VIH n’est pas élucidé. L’hypothèse d’un contrôle de l’infection VIH à travers des interactions entre les facteurs immunologiques, viraux, et génétiques a été évoquée et sera vérifiée dans l’étude ANRS MIE 12414 – PediacamNeg associée à la cohorte ANRS 12225-Pediacam III. Cette étude comportera un volet rétrospectif associé à la biothèque et un volet prospectif associé à de nouveaux prélèvements. Ce travail pourrait générer des évidences renforçant l’intérêt du TARV précoce, orienter la réflexion sur la guérison fonctionnelle du VIH et faciliter les échanges entre les soignants et les familles afin de préserver l’observance des TARV.

Quels enjeux prioritaires pour les adolescents face au VIH dans les pays à ressources limitées ?

Valériane LEROY (Epidémiologie, Santé Publique et Développement Inserm, Université de Bordeaux, Bordeaux, France)

Les adolescents (10-19 ans) constituent 1/6ème de la population mondiale, 90 % vivant dans les pays à ressources faibles et intermédiaires. Cette population représente un enjeu de santé prioritaire, les décès dans cette classe d’âge et dans ces pays étant en majorité liés à la pauvreté et aux maladies infectieuses, au premier plan desquelles se trouve le VIH. Les enjeux de santé liés au VIH englobent le dépistage, la prévention (pour les adolescents non infectés, exposés ou non au VIH) et la prise en charge multidisciplinaire de l’infection (par voie sexuelle principalement, ou via une transmission materno-fœtale).

Il peut exister plusieurs freins à une prise en charge précoce. Par exemple, les difficultés d’accès au dépistage liées à l’âge légal ou au consentement des parents. La transition vers une prise en charge en médecine adulte est également un enjeu pour retenir les adolescents vivant avec le VIH et garantir la rétention dans le parcours de soin. La relation avec les soignants, la prise en compte des aspects de santé mentale (anxiété, dépression…) ou de troubles cognitifs, le rôle des pairs et l’engagement communautaire dans l’accompagnement de l’adolescent sont également cruciaux. Les nouvelles stratégies thérapeutiques, comme les formulations injectables, ont aussi un rôle à jouer en favorisant l’observance, malgré des effets secondaires pour l’instant non négligeables.

Révéler ou non sa séropositivité en tant que jeunes et adolescents vivants avec le VIH (JAVVIH) : l’exemple du programme communautaire Tagg Picc au Sénégal

Mathilde PERRAY (Pôle de psychologie sociale Inserm 1296, Université Lyon 2, Lyon, France)

Cette communication présente les résultats préliminaires de l’étude Tagg-Picc qui cherche à appréhender le vécu de jeunes adultes vivant avec le VIH (JAVVIH) au Sénégal et leur participation à un programme communautaire de renforcement des compétences autour de la gestion de leur sérologie. La recherche associée à la mise en œuvre de ce pilote a été réalisée selon une approche communautaire mettant en collaboration des acteurs communautaires JAVIH sénégalais et une chercheuse en psychologie sociale. Les entretiens réalisés avec 19 participants, avant et après la mise en place du programme, soulignent le besoin d’accompagnement des JAVVIH évoluant dans un environnement social complexe. Il en ressort l’importance de la rencontre avec des pairs qui permet au JAVVIH de développer une identité sociale positive et différentes sources de soutien social. Des stratégies de gestion du statut ont également été acquises et mises en œuvre à cette occasion. L’accompagnement communautaire dans le développement de stratégies et de compétences concernant la gestion du sérologique semble répondre aux besoins des JAVIH, notamment en cette période particulière de la vie au cours de laquelle se joue l’entrée dans la vie sexuelle et affective.

Session 3 : Tuberculose : un impact contrasté à travers le monde

Identification et dissection moléculaire de nouvelles erreurs innées de l’immunité sous-jacentes à la tuberculose

Stéphanie BOISSON-DUPUIS (Laboratory of Human Genetics of Infectious Diseases, Inserm U1163, Paris, France)

Une grande partie de la recherche sur la tuberculose (TB) est freinée par notre absence de connaissances des bases moléculaires et cellulaires de l’immunité protectrice contre Mycobacterium tuberculosis (Mtb) chez l’homme. Environ un quart de la population mondiale est infectée, mais seule une minorité développe la tuberculose, soit au cours d’une infection primaire, soit plus tard au cours d’une infection secondaire ou lors de la réactivation d’une infection latente à Mtb. Les données d’épidémiologie génétique suggèrent fortement que la tuberculose est due à une prédisposition génétique humaine. Dans ce contexte, nos études visent à découvrir les facteurs génétiques humains impliqués dans le développement de la tuberculose et à déchiffrer les mécanismes biologiques sous-jacents. Nous avons déjà montré qu’il existe des étiologies monogéniques rares et des étiologies monogéniques fréquentes de la tuberculose humaine. Cette présentation se concentrera sur l’identification et la caractérisation moléculaire d’une nouvelle étiologie génétique de la tuberculose.

Cohorte prospective incluant des personnes traitées pour une tuberculose en France – Cohorte French TB

Nathalie DE CASTRO (Département de Maladies Infectieuses et Tropicales Saint-Louis Lariboisière, AP-HP. Nord. Université Paris Cité, France – Coordinatrice du site ANRS MIE Brésil) 

Chaque année environ 4 500 cas de tuberculose sont déclarés en France. Toutefois, les données de surveillance épidémiologique disponibles ne permettent pas de décrire avec précision les caractéristiques, les formes cliniques ou la sévérité de la maladie. L’objectif général de la cohorte French TB est de décrire chez des personnes ayant une tuberculose diagnostiquée les caractéristiques socio-démographiques, cliniques, radiologiques et bactériologiques, ainsi que d’évaluer les comorbidités et leur impact sur les problèmes de traitement, et le taux de rechutes jusqu’à 24 mois après le début du traitement antituberculeux. D’autres études sont également prévues. Le volet sciences sociales et l’étude sur la précarité, la santé mentale et la qualité de vie permettront de soulever des questions essentielles pour améliorer la prise en charge médicamenteuse. Le dépistage des séquelles fonctionnelles et la collection d’échantillons biologiques font également l’originalité de ce projet. Cette collection permettra en effet de réaliser des études ultérieures pour une meilleure compréhension de certains mécanismes immunologiques impliqués dans la maladie, notamment les aggravations paradoxales sous traitement. Il sera également possible d’évaluer l’intérêt de certains biomarqueurs prédictifs de réponse au traitement. Grâce à cette cohorte, des chercheurs en recherche fondamentale, en recherche clinique, en recherche translationnelle ou en sciences sociales vont pouvoir coopérer et s’associer dans le cadre d’un projet d’envergure nationale.

Le réseau de recherche TB-Sentinel de l’IeDEA, une cohorte internationale évaluant les facteurs prédictifs de l’échec de traitement antituberculeux et de la maladie pulmonaire post-tuberculeuse

Olivier MARCY (Inserm UMR 1219, IRD EMR 271, Université de Bordeaux, Bordeaux, France)

La tuberculose (TB) est l’une des principales causes infectieuses de décès dans le monde. C’est l’infection opportuniste et la cause de décès la plus fréquente chez les personnes vivant avec le VIH. Après le traitement de la tuberculose, les personnes survivantes peuvent être exposées à un risque de pneumopathie post-tuberculeuse (PTLD). Les cohortes d’observation sont des outils de recherche essentiels pour mieux comprendre les facteurs prédictifs de l’échec du traitement et de la PTLD, ce qui est indispensable pour orienter les recherches en cours sur le raccourcissement et l’intensification du traitement antituberculeux, ainsi que sur une éventuelle thérapie ciblée. Le réseau de recherche sentinelle sur la tuberculose, financé par l’Institut National Américain de la Santé (NIH), fournit une plateforme pour la coordination de la recherche observationnelle sur la tuberculose au sein du consortium International epidemiology Databases to Evaluate AIDS (IeDEA). Cette étude de cohorte prospective et observationnelle évaluera les résultats du traitement  (et après traitement) de la tuberculose pulmonaire chez 2 600 personnes âgées de ≥ 15 ans, co-infectées ou non par le VIH, recrutées dans 16 sites de 11 pays d’Amérique du Sud, d’Afrique et d’Asie du Sud-Est. Les données concernant les facteurs cliniques et sociodémographiques, la santé mentale, la qualité de vie liée à la santé, la fonction respiratoire et les résultats de laboratoire et de radiographie seront recueillies à l’aide de questionnaires standardisés et d’outils de collecte de données en début de traitement et jusqu’à 12 mois après la fin du traitement.

Vaccins antituberculeux, du passé vers l’avenir

Camille LOCHT (Université de Lille, CNRS, Inserm, CHU Lille, Institut Pasteur de Lille, U1019-UMR9017 – CIIL – Centre d’infection et d’immunité, Lille, France)

À l’exception du Covid-19 en 2020 et 2021, la tuberculose reste la première cause de décès due à une infection par un agent unique, Mycobacterium tuberculosis. Le vaccin centenaire Bacillus Calmette-Guérin (BCG) est le seul disponible contre cette maladie. Bien qu’il confère une protection élevée contre la tuberculose grave chez les nourrissons, son effet protecteur chez l’adulte n’est pas optimal. De nouveaux candidats vaccins sont donc en cours de développement, dont cinq sont actuellement évalués dans des essais de phase 3. Beaucoup de ces candidats vaccins sont étudiés dans des essais cliniques plus précoces ou à des stades précliniques. Certains d’entre eux sont basés sur un BCG amélioré, d’autres sur un M. tuberculosis atténué, d’autres encore sur des extraits de cellules entières ou sont des vaccins sous unitaires à vecteur viral avec adjuvant. Les développements récents de ces vaccins seront présentés lors des Journées scientifiques 2024 de l’ANRS MIE.

Mise en œuvre d’un nouveau programme stratégique de santé publique pour le dépistage, le traitement et la prévention de la tuberculose en Thaïlande (CaPThai)

Tamara TOVAR SANCHEZ (TransVIHMI, Université de Montpellier, IRD, Inserm, Montpellier, France)

Le projet de recherche CaPThai a pour objectif d’évaluer la possibilité d’augmenter le dépistage actif des cas et la prévention de la tuberculose (TB) en Thaïlande grâce à une intervention menée auprès des ménages dans un contexte de cas de TB nouvellement détectés. Cette évaluation est réalisée au cours d’un essai clinique pragmatique (phase-IV, randomisé en cluster), mis en place dans 20 hôpitaux provinciaux du pays. Ce projet permettra de recueillir des données essentielles à la révision et l’actualisation des directives sur la détection et la prévention de la TB, tout en renforçant les capacités du système de santé. Si l’intervention s’avère efficace, elle pourra également servir de modèle pour les programmes de lutte contre le TB dans la région de l’Asie du Sud-Est et au-delà. Le projet est promu par l’IRD, en collaboration avec le Programme National de lutte contre la Tuberculose en Thaïlande, et est financé par L’Initiative.

Institut Covid19 Ad Memoriam, la mémoire de la pandémie

Laëtitia ATLANI DUAULT (Vice-présidente Europe, Université Paris Cité – Présidente de l’institut Covid19 ad memoriam et Directrice de recherche, CEPED, IRD, Inserm, Université Paris Cité)

Présidé par Laetitia Atlani-Duault, et co-présidé par Françoise Barré-Sinoussi et Jean-François Delfraissy, l’Institut Covid-19 Ad Memoriam associe les communautés scientifiques, économiques et la société civile pour réfléchir collectivement aux effets de la pandémie qui, de par sa durée et l’intensité des mesures prises pendant plusieurs mois, constitue une rupture anthropologique majeure pour nos sociétés. Les travaux se développent autour de trois axes :

  1. Se souvenir : recueillir, archiver, analyser de témoignages individuels et collectifs. Des outils de collecte ont été mis en place, tel que le site histoiresdecrise.fr, ainsi que du soutien financier à la recherche.
  2. Chercher pour comprendre : partager la recherche, nourrir les politiques publiques. A cette fin, trois livres ont été publiés, et des colloques, conférences, séminaires, expositions sont organisés. Cet axe inclut un volet formation sous forme d’école d’été porté par l’Université Paris Cité.
  3. Comprendre pour agir : contribuer à l’invention collective de nouvelles pratiques commémoratives. Une initiative proposée dans ce contexte est d’instaurer une journée de commémoration nationale de la pandémie.

L’Institut est soutenu par France 2030 et associe des nombreux partenaires français et internationaux.

Session 4 : Bloquer la transmission à différentes échelles

L’apport des modèles tissulaires en 3D pour comprendre la transmission des virus respiratoires

Lisa CHAKRABARTI (Unité Virus et Immunité, Institut Pasteur, Paris, France)

Il y a un besoin critique de nouveaux modèles expérimentaux pour comprendre comment les virus se propagent dans le système respiratoire humain. Les muqueuses qui tapissent le système respiratoire ont une structure complexe, avec un couche superficielle (épithélium) contenant différents types cellulaires ayant chacun leur fonction : les cellules en gobelet produisent un mucus viscoélastique qui piège les particules inhalées, les cellules ciliées participent au nettoyage des voies respiratoires en déplaçant la couche de mucus, et les cellules basales servent de cellules souches locales capables de réparer les zones endommagées de l’épithélium. Un épithélium entièrement différent tapisse les alvéoles pulmonaires, qui assurent les échanges gazeux entre l’air et les capillaires sanguins.  L’Unité Virus et Immunité de l’Institut Pasteur développe des modèles de tissus humains en 3D qui miment les muqueuses des voies respiratoires et les alvéoles pulmonaires. Ces modèles de tissus permettent d’identifier des déterminants de la susceptibilité aux virus respiratoires qui n’apparaissent pas dans les cultures classiques. Ainsi, le variant Omicron se propage plus efficacement dans un épithélium nasal reconstruit que la souche originelle du SARS-CoV-2, ce qui pourrait aider à expliquer la dissémination rapide et généralisée de ce variant en 2022. En collaboration avec l’équipe de Samy Gobaa (BMcf, Institut Pasteur), un modèle de tissu alvéolaire perfusé par microfluidique est également développé, ce qui à terme devrait permettre de mimer les interactions entre l’épithélium alvéolaire et le compartiment vasculaire, afin de déchiffrer les mécanismes qui sous-tendent l’inflammation délétère associée aux pneumonies virales.

ANRS ICONE 2 : Intervention COmmuNautaire en vue d’Eliminer le VHC parmi les personnes qui utilisent des drogues. Étude d’implémentation dans les villes de Paris, Marseille, Lyon et Fort-de-France

Hélène DONNADIEU-RIGOLE (Département d’addictologie, CHU de Montpellier, Montpellier, France)

Les objectifs d’élimination du virus de l’hépatite C (VHC) d’ici 2030 passent par des processus de micro éliminations, c’est-à-dire des actions ciblées sur des populations à risque. Les personnes qui utilisent des drogues (PQUD) sont un groupe à risque d’infection au VHC. Une action de dépistage systématique basée sur un recrutement à l’aide d’une méthode d’échantillonnage axé sur les répondants (RDS), associé à un engagement dans les soins facilité par des pairs, a été testé à Montpellier (projet ICONE ANRS 95050). Icône 2 vise à étudier la mise en œuvre et l’efficacité d’un projet de type ICONE dans 3 grandes villes de France métropolitaine (Paris, Lyon, Marseille) et à Fort de France.

L’objectif principal de cette étude est double : l’évaluation de la faisabilité et l’utilité potentielle d’une stratégie d’implementation, et l’efficience d’un modèle communautaire de dépistage de masse et du traitement immédiat de l’hépatite C parmi les PQUD actifs. Les objectifs secondaires sont de décrire les comorbidités infectiologiques et psychiques des PQUD, de déterminer les étapes de la cascade de soin VHC, VHB, VIH, et d’analyser les facteurs liés à un échec de traitement VHC. La référence aux soins addictologique et en santé mentale sera également évaluée. Une étude qualitative permettra d’étudier l’acceptabilité du modèle RDS.

Le microbiote vaginal : acteur de la protection contre les ISTs

Jacques RAVEL (Institute for Genome Sciences, University of Maryland School of Medicine, Baltimore, États-Unis)

Le microbiote cervico-vaginal constitue la première ligne de défense contre les infections sexuellement transmissibles (IST), y compris le VIH. Cinq types majeurs de microbiotes cervico-vaginaux existent, chacun se différenciant par sa composition et son abondance bactérienne. La dominance par Lactobacillus est gage d’une protection optimale, tandis que la présence d’un large éventail de bactéries anaérobiques strictes et facultatives représente un facteur de risque majeur pour les IST. Chez certaines femmes, la composition de ces communautés bactériennes est dynamique, changeant sur de courtes périodes, tandis que chez d’autres, elle est très stable. L’impact de la composition et de la dynamique du microbiote vaginal sur la protection contre les maladies ou la susceptibilité à celles-ci est encore mal compris. En utilisant un modèle in vitro en 3D de l’épithélium vaginal, nous avons révélé une stratégie par laquelle le microbiote vaginal module les fonctions de l’hôte pour une protection contre l’infection à Chlamydia. Élucider les mécanismes sous-jacents responsables de la protection a des implications majeures. Ce modèle met en évidence que le rôle du microbiote vaginal sur l’épithélium devrait être pris en compte dans les futures études sur l’infection à Chlamydia et autres IST. Une compréhension fondamentale de ce rôle permettrait de développer de nouvelles stratégies thérapeutiques basées sur le microbiome pour protéger les femmes contre les infections et améliorer la santé vaginale et cervicale.

Agoniste TLR8 : impact sur l’entrée du VHB suite à l’activation de cellules de Kupffer

Andres ROCA (Inserm U1052, CNRS UMR-5286, Centre de Recherche en Cancérologie de Lyon (CRCL), Lyon, France; Institut d’hépatologie de Lyon, France)

La guérison de l’hépatite B nécessite le recours à de nouvelles combinaisons d’agents immunomodulateurs et d’antiviraux à action directe. L’agoniste du récepteur Toll-like 8 (TLR8), Selgantolimod (SLGN), est l’un de ces agents. Il a été étudié dans des modèles précliniques et des essais cliniques pour l’hépatite B chronique, mais son action sur les effecteurs du système immunitaire dans le foie est peu connue.

L’objectif de l’étude était donc de caractériser les modifications transcriptomiques et les événements de communication intercellulaire induits par le SLGN dans le microenvironnement hépatique. Les données de séquençage de l’ARN de cellules uniques (scRNA) ont permis d’identifier les cellules de Kupffer (CK) comme cellles exprimant TLR8 dans le foie humain. Les CK ont pu être isolées et leurs profils transcriptomiques et cytokiniques en réponse à SLGN caractérisés. L’effet indirect de SLGN a été évalué après séquençage d’ARN provenant d’hépatocytes traités par l’agoniste et cultivés dans un milieu conditionné, et par la quantification de paramètres associés au VHB après infection. Dans les CK, SLGN a entraîné une augmentation de marqueurs monocytaires et la regulation négative de gènes caractéristiques des cellules. Dans les hepatocytes, il a régulé négativement la NTCP (sodium taurocholate cotransporting polypeptide) et bloqué l’entrée du VHB, ce qui est un élément nouveau par rapport à l’effet connu de l’agent sur l’infection et l’immunité acquise. En agissant sur les CK, SLNG peut contribuer à remodeler le microenvironnement immunitaire intra-hépatique. Cet agent a donc toute sa place dans les futures combinaisons visant à guérir l’infection par le VHB.

Session 5 : Vers l’élimination des viroses chroniques en santé publique

Élimination de l’hépatite C en Égypte

Imam WAKED (Département de médecine, Institut national du foie, Université de Menoufia, Shebin El-Kom, Égypte)

Avec 7 % des adultes infectés, l’Égypte était en 2015 le pays où la prévalence du virus de l’hépatite C (VHC) était la plus élevée au monde. Fin 2014, le Comité National du Contrôle de l’Hépatite Virale (NCCVH) mettait à disposition, à 1 % de leur prix international, les premiers Antiviraux à Action Directe (AAD) approuvés. Le Comité lançait en parallèle un programme national de prise en charge thérapeutique par l’état pour les patients vivant avec le VHC. Par la suite, il mettait sur le marché d’autres AAD et des génériques développés localement.

En 2018, presque tous les patients diagnostiqués avaient été traités, soit 2,4 millions d’individus. Environ 2 millions de patients non diagnostiqués devaient être encore identifiés et traités. Dans le but de se rapprocher des objectifs fixés par l’OMS en matière d’élimination du VHC, l’Égypte a entrepris un dépistage du virus entre octobre 2018 et avril 2019 chez environ 50 millions d’adultes et 7 millions d’adolescents. Par ailleurs, 2,4 millions de patients séropositifs et 1,7 million de patients virémiques ont été identifiés, évalués et traités, avec un taux de réponse virologique soutenue (RVS) de 98,8 %, gage du succès du traitement. Actuellement, la prévalence virémique du VHC est tombée à 0,4 % (soit une réduction de 93 % par rapport à 2015).  En octobre 2023, l’OMS a déclaré que l’Égypte était le premier pays à atteindre le statut « Gold Tier’ sur la voie de l’élimination du VHC.

Utilisation de la modélisation pour prédire l’incidence du VIH

Andrew PHILLIPS (UCL, London, UK)

Après une brève introduction sur la modélisation individuelle, conçue pour simuler les expériences (scenario, projection d’incidences) au sein d’une population au cours du temps, Andrew Phillipps a exposé ses résultats en Afrique de l’Est et australe ainsi que ceux d’un consortium de modélisateurs portant sur le VIH. Il nous a été présenté des travaux montrant l’évolution de l’incidence du VIH chez les HSH (homme ayant des rapports sexuels avec les hommes), et les effets de l’impact de certaines interventions pouvant contribuer à la baisse de son incidence. En effet, la modélisation peut être utiliser dans des stratégies de préventions combinées pour le VIH en jouant sur différents paramètres tels que la charge virale, les mutations, le nombre de CD4, ou encore l’utilisation de préservatif. (Son model montre un déclin de l’incidence de nouvelles infections du VIH depuis 2015). Il conclue par la nécessité d’un renforcement de capacité en matière de modélisation afin d’améliorer la santé de la population. En effet, cette dernière peut éclairer l’aide à la décision politique via une concertation avec les acteurs de terrain/experts en maladie clinique (médecins, épidémiologues…)  et une prise de conscience de l’existence de ces modèles afin de les optimiser. Un site est actuellement en ligne pour permettre la création de modèles individuels : hivmodelling.org

Modéliser pour guider l’élimination : Transmission du VHC parmi les HSH vivant avec le VIH en France

Mathieu CASTRY (Université Paris Cité, Inserm, IAME, Paris, France)

 L’OMS a émis un objectif d’éradication de du virus de l’hépatite C (VHC)  pour 2030, notamment porté par l’efficacité des traitements. Plusieurs stratégies sont possibles pour atteindre cet objectif, avec un dépistage dit universel des personnes (macro-élimination) ainsi qu’un dépistage ciblant des populations clefs (micro-élimination). La modélisation mathématique peut être un outil très utile pour atteindre ce but. Elle permet en effet de projeter à long terme les résultats des pratiques actuelles et d’évaluer l’impact de nouvelles interventions dans leur capacité à atteindre les objectifs d’élimination. Depuis le début des années 2000, on observe une épidémie d’infection par le VHC parmi les hommes ayant des relations sexuelles avec des hommes (HSH), liée en particulier à des pratiques sexuelles à risque.

Une modélisation de la transmission du VHC parmi les HSH vivant avec le VIH en France a été réalisée. Le modèle dynamique compartimental développé compare un scénario de référence avec trois autres stratégies de dépistages (à 3 mois et à 6 mois pour le HSH VIH+, à 6 mois chez les HSH) et de réduction des risques, ainsi que les stratégies combinées. Une mesure de cout-efficacité sera aussi développée en se basant sur la mesure du QALY (qualité et espérance de vie des personnes). Il ressort de l’étude un impact marqué et un levier important en terme d’efficacité des recommandations et du dépistage dans cette population de personnes par rapport au scenario de référence. Cette étude permet une aide à la décision en santé publique, en apportant un éclairage sur les stratégies les plus efficaces ainsi qu’une vision de long terme qui guidera l’objectif d’élimination pour 2030.

Session 6 : Épidémies de demain ici et ailleurs : l’importance de la transmission vectorielle

Installation de la tique Hyalomma marginatum dans le sud de la France et risque d’émergence de la Fièvre Hémorragique Crimée-Congo : intérêt d’une recherche « Une seule santé »

Laurence VIAL (CIRAD, UMR CIRAD/INRAE ASTRE, Montpellier, France) et Raphaelle METRAS (Inserm, Sorbonne Université, Institut Pierre Louis d’Épidémiologie et de Santé Publique, Paris, France)

La fièvre hémorragique de Crimée-Congo (FHCC) est une zoonose (maladie infectieuse passant de l’animal à l’humain) virale sévère, transmise majoritairement par les tiques du genre Hyalomma et largement répandue en Afrique, Asie, Moyen-Orient et Europe du sud. Les cas humains hémorragiques ne sont que la partie émergée de l’iceberg, et seule une approche intégrative “Une Seule Santé” pourrait permettre d’appréhender les processus complexes de transmission virale.

Depuis l’émergence de la FHCC en Espagne et l’installation de la tique Hyalomma marginatum dans le sud de la France, des études acarologiques, écologiques, génétiques, virologiques, et sérologiques ont été menées dans le but de : prédire la distribution géographique et la dynamique saisonnière de cette tique ; d’identifier les scenarios probables de son introduction en France ; de déterminer les zones de circulation locale du virus entre les tiques et la faune sauvage et domestique ; et d’estimer le rôle des communautés de tiques et d’hôtes animaux dans la transmission virale.

Raphaelle Metras a présenté comment des données humaines et animales sur la FHCC provenant de différentes zones endémiques ont été utilisées, (i) pour étudier les facteurs épidémiologiques de la transmission, (ii) pour estimer l’impact de différentes stratégies de vaccination, et (iii) pour évaluer la mise en place potentielle d’essais sur l’efficacité vaccinale. L’un des principaux objectifs est de montrer qu’à long terme, la vaccination de groupes humains à haut risque est plus efficace (nombre d’infections et de cas évités par cycle de vaccination) que la vaccination du bétail, qui n’a qu’un effet à court terme. La mise en place d’essais portant sur l’efficacité vaccinale n’est réalisable que dans les zones de forte endémie qui permettent de recruter un nombre suffisant de cas.

Évaluation des schémas spatiotemporels du virus de la fièvre hémorragique de Crimée-Congo en vue d’une prévention dans la région ibérique

Francisco RUIZ FONS (Instituto de Investigación en Recursos Cinegéticos IREC, Ciudad Real, Spain)

La fièvre hémorragique de Crimée-Congo (FHCC) est apparue en Espagne en 2016, après la mise en évidence d’une circulation enzootique (touchant une ou plusieurs espèces d’animaux) du virus de la FHCC (VFHCC) dans l’ouest de la péninsule ibérique. Depuis lors, 13 cas et quatre victimes ont été signalés en Espagne. La plupart des études menées dans la péninsule ibérique visaient à établir la distribution géographique du VFHCC afin de concevoir des stratégies de prévention dans les foyers où le risque de transmission du virus est élevé. Les données obtenues ont permis de créer des cartes de risque qui indiquent que les parties ouest et sud-ouest du pays sont des foyers à haut risque pour la circulation du VFHCC. Cependant, de nouveaux cas sont apparus de manière inattendue dans des zones où le risque prédit était faible. A l’inverse, aucun cas n’a jamais été signalé dans des zones où la circulation du virus a été identifiée avec une forte prévalence, ce qui suggère que nous devons aborder l’étude du CCHFV avec de nouveaux outils, de nouvelles approches et par le biais d’un programme national de surveillance intégrée.

Une approche socioécologique du risque tique à l’échelle des territoires

Aurélie BINOT (CIRAD, MSH SUD, Université de Montpellier, Montpellier, France)

La surveillance et la gestion des maladies transmises par les tiques requièrent une approche intégrée et transdisciplinaire, impliquant l’ensemble des acteurs de la santé humaine, animale et environnementale. Une cartographie des réseaux de surveillance en France révèle une coordination fragmentée, soulignant le besoin de renforcer la circulation des informations entre les différents niveaux d’intervention. Dans le cadre du projet MOOD (MOnitoring Outbreaks for Disease surveillance in a data science context), une première étude exploratoire dans la région de l’Occitanie a révélé une divergence dans la perception du « risque tique » entre les acteurs locaux. Cette formalisation de la perception du risque a permis de mettre en lumière les besoins et l’existence de leviers au sein des réseaux de recherche à visée de surveillance et de lutte contre les maladies à tiques. La finalité de ce projet est d’engager les acteurs territoriaux dans une stratégie collective et de renforcer la co-conception d’outils, d’abord à l’échelle locale, puis de les étendre à d’autres régions et à l’échelle nationale.

De l’infodémie à l’infodémiologie

Gilles PIALOUX (Service de Maladies Infectieuses et Tropicales, Paris, France, Université Pierre et Marie Curie Paris, Paris, France)

L’infodémie, définie comme des vagues d’informations fausses ou trompeuses sur les réseaux sociaux et les moteurs de recherche à propos d’une pandémie, a été plébiscitée par la crise sanitaire du COVID. Le concept date du début des années 2000. Pourtant, l’OMS ne s’en est saisit qu’en 2020. En France, elle est méconnue dans ses mécanismes et peu étudiée. Cette présentation s’attache à décrypter les rouages et les outils de vérification et d’infirmation des fake news (fausses informations) en sciences. Comment répondre à la caisse d’amplification que constituent les nouveaux vecteurs que sont les réseaux sociaux, les revues prédatrices ou auto promotionnelles, les sites de preprint (sites sur lesquels on trouve des prépublications, c’est-à-dire des versions d’articles scientifiques qui n’ont pas encore été relues par des pairs), et les chaines d’information continue qui les relayent ? La question de l’explosion des articles scientifiques « rétractés » n’est pas sans poser problème. L’exemple de l’affaire Wakefield (1998 à ce jour) avec le lien affiché entre vaccination contre la rougeole et autisme constitue un cas d’école.

Projet MOOD : EpiDCA : Mise en œuvre d’un algorithme basé sur la théorie du danger pour la surveillance événementielle

Bahdja BOUDOUA (TETIS, Univ. Montpellier, AgroParisTech, CIRAD, CNRS, INRAE, Montpellier, France)

Les systèmes de veille sanitaire (EBS : Event-based surveillance), tels que HealthMap, Promed et PADI-web, sont utilisés quotidiennement pour détecter les événements épidémiques signalés dans des articles en ligne. Une fois les articles collectés, ces systèmes s’appuient sur la modération humaine et des algorithmes pour classer les articles en fonction de leur pertinence. L’utilisation de ces méthodes supervisées peut s’avérer toutefois difficile. En effet, les données épidémiologiques présentent une répartition déséquilibrée des classes. De plus, la tâche d’annotation, qui est essentielle au succès de ces modèles, peut être coûteuse et prendre du temps. L’absence des facteurs de transmission des maladies (par exemple, les caractéristiques des maladies, les facteurs de risque environnementaux et épidémiologiques) dans les données textuelles constitue une autre limite importante des systèmes EBS car n’étant pas pris en compte.

Dans ce contexte, le projet MOOD vise à exploiter les techniques les plus récentes de fouille de texte et d’analyse de données volumineuses provenant de sources multiples afin d’améliorer la veille sanitaire des maladies (ré)-émergentes en Europe. Bahdja Boudoua a présenté une approche non supervisée qui s’appuie sur l’information spatio-temporelle des événements épidémiologiques rapportés, tout en prenant en compte les facteurs environnementaux associés à l’apparition de la maladie à travers une cartographie de risques. Cette méthode, appelée EpiDCA, est une adaptation de l’Algorithme des Cellules Dendritiques (DCA : Dendritic Cells Algorithm), inspirée de la théorie du danger. EpiDCA est caractérisé par des paramètres définis par des experts, ce qui le rend applicable à différentes maladies et contextes environnementaux.

Bienvenue aux Journées scientifiques de l’ANRS MIE

Comment diminuer la transmission mère-enfant de l’hépatite B

Un test de diagnostic rapide pour pour détecter des charges élevées du VHB

Spécificités du système immunitaire chez les enfants/adolescents vivant avec le VIH

Présentation de la cohorte French TB

Des modèles en 3D pour comprendre la transmission des virus respiratoires

Élimination de l’hépatite C en Égypte

De l’infodémie à l’infodémiologie

Conseil scientifique

Ahidjo AYOUBA (IRD/Université Paul Sabatier Toulouse 3)
Marc-Antoine BARTOLI (Act Up Paris)
Alain BAULARD (Institut Pasteur Lille/INSERM)
Bruno CANARD (Université Aix-Marseille)
Simon CAUCHEMEZ (Institut Pasteur Paris)
Nathalie DE CASTRO (Hôpital Saint-Louis)
Xavier DE LAMBALLERIE (IRD/Université Aix-Marseille/INSERM)
Ndeye Ramatoulaye DIAGNE GUEYE (Hôpital pour Enfants de Diamniadio (Sénégal))
Alpha DIALLO (ANRS MIE/INSERM)

Pierre FRANGE (CHU Necker)
Clotilde GENON (RENALOO)
Tamara GILES-VERNICK (Institut Pasteur Paris)
Elisabeth MENU (CEA/INSERM)
Mathieu NACHER (Université des Antilles/Université de Guyane/CHU Cayenne/INSERM)
Marie PREAU (Université Lumière Lyon/INSERM)
Nathalie VACHIERY (CIRAD/INRAE)
Mirjam ZEISEL (INSERM)

Actualités

Retour sur les journées scientifiques 2023 de l’agence

Cette édition des journées scientifiques de l’ANRS | Maladies infectieuses émergentes a mis en avant la collaboration et la transversalité au travers des cinq sessions du programme, au cours desquelles des orateurs de renom font le point sur des thématiques porteuses et des jeunes scientifiques…

17 avril 2023