Patients guéris de la maladie à virus Ebola : baisse rapide du taux d’anticorps chez les patients ayant reçu un traitement à base d’anticorps monoclonaux

Publié le 04 décembre 2023

Une première dans la lutte contre le virus Ebola

Certains traitements pour lutter contre le virus Ebola, notamment ceux à base d’anticorps monoclonaux1, ont augmenté le taux de survie des patients atteints de la maladie et sont maintenant recommandés. Des chercheurs de l’IRD, l’Inserm, l’ANRS | Maladies infectieuses émergentes et l’INRB, ont évalué, pour la première fois, la réponse des anticorps chez les survivants de la dixième épidémie d’Ebola en République démocratique du Congo (RDC) ayant reçu des médicaments spécifiques contre le virus.

Cette étude sur la cohorte « Les vainqueurs d’Ebola » a été initiée dans le cadre de la riposte française à l’épidémie d’Ebola et faisait partie de la feuille de route franco-congolaise signée par les présidents congolais et français. Ses résultats, publiés le 30 novembre dans The Lancet infectious Diseases, montrent que les anticorps monoclonaux pourraient avoir un impact négatif sur la production d’anticorps anti-Ebola dans le temps et ainsi potentiellement augmenter le risque de réinfection ou de réactivation.

La maladie à virus Ebola est une infection grave dont la létalité varie entre 30 et 90 % en l’absence de traitement. Entre 2018 et 2020, dans les provinces du Nord-Kivu, du Sud-Kivu et de l’Ituri (RDC), la dixième épidémie d’Ebola a été la plus longue et la plus meurtrière jamais enregistrée jusqu’à présent dans le pays, et la deuxième plus importante au monde, après celle de 2013-2016 en Afrique de l’Ouest.

L’expérience acquise lors des précédentes épidémies a permis l’adoption de mesures de prévention et la mise en œuvre de nouvelles stratégies pour lutter contre le virus. Ainsi, certains médicaments spécifiques contre Ebola, en particulier les anticorps monoclonaux, ont permis d’améliorer les soins et la survie des patients. Dans cette étude, pour mieux comprendre les effets à long terme de ces traitements, les chercheurs ont évalué la réponse immunitaire humorale² chez les survivants traités avec des médicaments anti-Ebola au cours de la dixième épidémie d’Ebola en RDC.

« Les vainqueurs d’Ebola »

Les participants de l’étude observationnelle, « Les vainqueurs d’Ebola », ont été recrutés le jour de leur sortie du Centre de Traitement Ebola (CTE) et suivis jusqu’à 12 mois. Sur les 787 survivants inclus dans l’étude, les chercheurs ont étudié la réponse aux anticorps pour 358 d’entre eux : à leur sortie, près d’un quart étaient séronégatifs pour au moins deux antigènes du virus. Les personnes ayant reçu des traitements spécifiques contre Ebola, en particulier des anticorps monoclonaux (Ansuvimab), connaissaient, au fil du temps, une baisse rapide de leurs taux d’anticorps au virus. Ces résultats soulèvent de nombreuses questions, notamment concernant l’impact de ces anticorps sur la persistance virale dans les sites immunitaires privilégiés avec un risque de rechute ou de manifestations cliniques persistantes (séquelles), et également sur le risque de réinfection chez ces patients.

Cette étude souligne la nécessité de poursuivre la recherche sur le réservoir humain du virus Ebola afin de mieux comprendre les facteurs de persistance et de résurgence du virus et de développer ainsi des médicaments susceptibles de l’éradiquer. D’un point de vue de santé publique, il est important de poursuivre le suivi des personnes déclarées guéries d’une infection par le virus Ebola et de discuter de l’opportunité de les vacciner afin de contribuer à éviter toute résurgence ou réinfection. Enfin, cette étude illustre l’importance des interventions en période épidémique, associant trois actions essentielles : la prise en charge, la recherche et la capacité des équipes à se mobiliser.

1- anticorps fabriqués spécifiquement pour traiter une maladie
2-
se caractérise par l’excrétion dans le sérum d’anticorps spécifiques d’un antigène donné

Référence

Antoine Nkuba-Ndaye, Angele Dilu-Keti, Tamara Tovar-Sanchez, Mamadou Saliou Kalifa Diallo, Daniel Mukadi-Bamuleka, Richard Kitenge, Pierre Formenty, Anaïs Legand, François Edidi-Atani, Guillaume Thaurignac, Raphael Pelloquin, Placide Mbala-Kingebeni, Abdoulaye Toure, Ahidjo Ayouba, Jean-Jacques Muyembe-Tamfum, Eric Delaporte, Martine Peeters, Steve Ahuka-Mundeke.

Impact of Anti-Ebola virus monoclonal antibodies on endogenous antibody production in Ebola virus disease survivors in the Democratic Republic of the Congo: an observational cohort study, The Lancet infectious Diseases, 30 novembre 2023.

Contacts chercheurs

  • Antoine Nkuba Ndaye – Chercheur biomédical en Postdoc à l’IRD – nkuba@ird.fr
  • Steve Ahuka Mundeke – Médecin Virologue à l’INRB et à l’UNIKIN – amstev04@yahoo.fr
  • Eric Delaporte – Médecin virologue à l’IRD – delaporte@ird.fr

Contacts presse 

A propos

A propos de l’IRD

L’IRD est un organisme de recherche public français pluridisciplinaire qui, depuis près de 80 ans, s’engage dans des partenariats équitables avec les pays du Sud et dans les Outre-mer français. Acteur de l’agenda international pour le développement, il inscrit ses priorités dans la mise en œuvre des Objectifs de développement durable (ODD).

Ensemble, scientifiques et partenaires de l’Institut proposent des solutions concrètes pour répondre aux défis globaux auxquels les sociétés et la planète font face. Cette relation gagnante-gagnante fait de la science et de l’innovation des leviers majeurs du développement.
www.ird.fr

A propos de l’Inserm

L’Inserm est le seul organisme de recherche public français entièrement dédié à la santé. Notre objectif : faire progresser les connaissances sur le vivant et sur les maladies et développer l’innovation pour améliorer la santé de tous.
www.inserm.fr

A propos de l’ANRS | Maladies infectieuses émergentes

L’ANRS | Maladies infectieuses émergentes, créée le 1er janvier 2021 et dirigée par le Professeur Yazdan Yazdanpanah, est une agence autonome de l’Inserm placée sous la tutelle du ministère de l’Enseignement supérieur et de la Recherche et du ministère de la Santé et de la Prévention. Elle a pour missions l’animation, l’évaluation, la coordination et le financement de la recherche sur le VIH/sida, l’hépatite virale, les infections sexuellement transmissibles, la tuberculose et les maladies infectieuses émergentes et ré-émergentes (notamment les infections respiratoires émergentes, dont la COVID-19, les fièvres hémorragiques virales, les arboviroses).
https://anrs.fr/

A propos de l’INRB

L’Institut National de Recherche Biomédicale (INRB), fondé en 1984, est un établissement public. Il est un centre collaborateur de l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) depuis 2018, dirigé par le professeur Jean-Jacques Muyembe Tamfum. Il sert de laboratoire national de santé publique pour le ministère de la Santé Publique, Hygiène et Prévention de la République Démocratique du Congo (RDC). L’INRB est un institut multidisciplinaire d’une trentaine d’années d’expérience à la fois dans l’identification, le traitement et la prévention des maladies infectieuses prioritaires en RDC. Ses fondements sont la réalisation d’analyses médicales et biologiques, la recherche appliquée et translationnelle, la surveillance des maladies transmissibles et la promotion de la croissance et du développement professionnels. L’INRB a continuellement développé et formé des chercheurs de qualité et produit des résultats exceptionnels, plus récemment des efforts concrets en matière de contrôle, de prévention et de recherche dans le cadre des épidémies récentes d’Ebola et de Coronavirus.
https://inrb.net/