Remise des prix de thèse de l’ANRS MIE / SFV 2023 à Martin Ferrié et Margaux Heuschkel

Lors de sa réunion plénière du 11 et 12 mars 2024, l’Action Coordonnée "Recherche fondamentale et translationnelle sur les hépatites virales" (AC42) de l’ANRS MIE a décerné, conjointement avec la Société française de virologie (SFV), ses Prix de Thèse récompensant des travaux terminés en 2023.

Publié le 11 mars 2024

L’essentiel

Les thèses éligibles étaient des thèses d’Université soutenues en 2023 et ayant les hépatites virales pour sujet d’étude. Les lauréats, Margaux Heuschkel (Institut de Recherche sur les Maladies Virales et Hépatiques sous la direction du Dr. Eloi Verrier à Strasbourg) et Martin Ferrié (Laboratoire de Virologie Moléculaire et Cellulaire, sous la direction du Dr. Laurence Cocquerel au sein du Centre d’Infection et d’Immunité de Lille), ont reçu 1 000 euros chacun.

Ils répondent à nos questions

Quel est votre parcours ? Pourquoi vous êtes-vous orienté.e.s vers la recherche ?

Margaux Heuschkel : J’ai tout d’abord obtenu une licence en biologie cellulaire et physiologie des organismes puis un master en virologie à la Faculté des Sciences de la Vie de Strasbourg. La virologie a toujours constitué pour moi un domaine d’étude et de recherche passionnant et l’actualité des dernières années, notamment la pandémie de SARS-CoV-2, n’a fait que me confirmer qu’il reste bien des choses à découvrir dans cette discipline. C’est pourquoi, j’ai décidé de poursuivre mes études en réalisant une thèse à l’Institut de Recherche sur les Maladies Virales et Hépatiques sous la direction du Dr. Eloi Verrier à Strasbourg.

Martin Ferrié :  J’ai réalisé ma thèse de doctorat dans le laboratoire de Virologie Moléculaire et Cellulaire (dirigé par le Dr. Jean Dubuisson) au Centre d’Infection et d’Immunité de Lille. Au cours de mon parcours universitaire, j’ai pu réaliser un certain nombre de stages en France et à l’étranger dans le domaine de la Virologie et plus particulièrement celui des infections émergentes/négligées. C’est à ce moment que mon intérêt pour ces virus est né. Dès lors, j’ai voulu participer à la meilleure compréhension de ces infections afin de développer des stratégies thérapeutiques.

 Pourquoi avoir choisi de travailler sur les virus des hépatites ?

 Margaux Heuschkel : Au cours de ma formation universitaire, j’ai développé un intérêt tout particulier pour la virologie animale, et notamment pour les virus hépatiques, tels que le virus de l’hépatite D. Ce petit virus satellite du virus de l’hépatite B est responsable de la forme la plus sévère et agressive d’hépatite virale chronique. Plus de 70 millions d’individus dans le monde seraient touchés avec une prévalence en augmentation, notamment dans les pays développés et cela, malgré l’existence d’un vaccin préventif contre l’hépatite B qui protège également contre une infection par le virus de l’hépatite D. À l’heure actuelle, aucun traitement permettant d’éliminer efficacement ces deux virus n’est disponible, d’où la nécessité de poursuivre les recherches afin de développer de nouvelles stratégies thérapeutiques.

Martin Ferrié :  C’est dans le cadre de mes études que j’ai fait la connaissance du Dr. Laurence Cocquerel (ma directrice de thèse) qui travaillait déjà sur le virus de l’Hépatite E, à un moment où ce virus était encore méconnu et qu’un système de culture efficace était en train d’être développé dans le laboratoire. C’est vraiment le goût du challenge qui m’a attiré. L’objectif était de comprendre l’importance de la protéine de capside ORF2 dans le cycle infectieux du HEV. Pour cela, nous sommes trois étudiants en thèse à nous être impliqués successivement dans le projetMaliki Ankavay (lauréat du prix de thèse de l’AC42 en 2020), Kévin Hervouet et moi-même.

 Quel est le résultat de votre travail de thèse le plus marquant selon vous ?

 Margaux Heuschkel : Au cours de ma thèse, j’ai travaillé sur la caractérisation du rôle fonctionnel de la kinase JAK1 lors de l’infection par le virus de l’hépatite D. Les résultats obtenus ont permis de démontrer, pour la toute première fois, le détournement par un virus d’une kinase cellulaire, normalement impliquée dans la réponse antivirale, pour activer une protéine virale et ainsi stimuler la réplication du virus.

 Martin Ferrié :  Le résultat le plus marquant selon moi a été l’identification d’une cible thérapeutique prometteuse dans le cycle infectieux du HEV, permettant à terme le développement de nouvelles molécules à activité antivirale. A ce jour, il n’existe aucune molécule spécifique capable de lutter contre cette infection excepté la ribavirine qui est un inhibiteur de réplication à large spectre, dont l’utilisation en clinique reste discutée.

Que proposeriez-vous pour poursuivre vos travaux ? Quels sont les grands défis à relever selon vous dans ce domaine ?

 Margaux Heuschkel : En raison de sa structure et de sa biologie particulière, cibler le virus de l’hépatite D reste un défi majeur et il est urgent de développer de nouvelles thérapies pour tenter d’éradiquer cette menace de santé publique. En identifiant et caractérisant JAK1 comme un nouveau facteur clé de l’infection par le virus de l’hépatite D, mes travaux de thèse permettent d’améliorer notre compréhension du cycle de multiplication de ce virus ainsi que de ses interactions avec la réponse immunitaire de l’hôte. Par ailleurs, l’utilisation d’inhibiteurs spécifiques de JAK1, déjà utilisés en clinique, a démontré un effet antiviral important dans plusieurs modèles d’étude in vitro, faisant de ces molécules des candidats antiviraux intéressants pour des études pré-cliniques.

Martin Ferrié : Afin de poursuivre mes travaux de thèse et développer des molécules antivirales, la caractérisation de la cible thérapeutique que nous avons identifiée constitue à mon sens un défi important pour l’équipe et pour les autres chercheurs dans le domaine. Ces molécules antivirales sont urgemment nécessaires dans les régions à forte endémicité, mais également dans les pays industrialisés, afin de lutter contre cette infection.

Après la thèse, quelle est la suite de votre projet professionnel ?

 Margaux Heuschkel : Depuis l’obtention de ma thèse, j’ai rejoint en tant que chercheur postdoctoral l’équipe du Pr. Dr. Robert Thimme et du Pr. Dr. Maike Hofmann au sein de la clinique universitaire de Freiburg en Allemagne. Désormais, je m’intéresse à la réponse immunitaire adaptative, et notamment à la réponse des lymphocytes T CD8+ spécifiques du virus au cours de l’infection aiguë et chronique par le virus de l’hépatite B. Ayant beaucoup aimé mon expérience de monitorat au cours ma thèse, j’espère pouvoir par la suite continuer dans la recherche académique et obtenir un poste d’enseignant-chercheur.

Martin Ferrié : Après l’obtention de mon doctorat, j’ai décidé de réaliser un stage postdoctoral dans le laboratoire du Prof. Johan Neyts au Rega Institute for Medical Research à Leuven en Belgique (www.antivirals.be) afin de développer des molécules antivirales uniques, ciblant le genre Mammarenavirus, dont le membre le plus connu est le virus de Lassa (LASV), agent responsable de la fièvre de Lassa, endémique en Afrique de l’Ouest. Cette infection constitue une priorité de recherche pour l’OMS (R&D Blueprint list of priority pathogens, WHO) puisqu’aucune mesure efficace pour lutter contre l’infection n’est disponible à ce jour. A la suite de ce séjour post-doctoral, j’aimerais revenir en France pour passer les concours de chargé de recherche ou pour travailler dans l’industrie pharmaceutique et le développement de molécules antivirales.

Remise des prix de thèse de l’ANRS MIE / SFV 2023 à Martin Ferrié et Margaux Heuschkel