Rencontre avec Sery Ernest Gonedelé Bi à travers le projet AFRICoV

Rencontre avec Sery Ernest Gonedelé Bi à travers le projet AFRICoV

Publié le 14 octobre 2021

Sery Ernest Gonedelé Bi est généticien et enseignant-chercheur à l’université Félix Houphouët-Boigny de Cocody en Côte d’Ivoire. Il a accepté de nous parler de ses travaux et notamment du projet AFRICoV qu’il a présenté le 4 octobre 2021 lors d’un point presse portant sur la lutte contre la pandémie de Covid-19 en Afrique.

Bonjour Sery Ernest Gonedelé Bi, pouvez-vous vous présenter ?

Je suis titulaire d’un doctorat en génétique et enseignant-chercheur à l’université Félix Houphouët-Boigny de Cocody en Côte d’Ivoire. Mes travaux de recherche portent sur la conservation de la faune sauvage et couvrent aussi bien la biologie que la génétique de conservation. J’étudie également la conservation des aires protégées de Côte d’Ivoire, ainsi que la biodiversité qu’elles englobent. Par ailleurs, je m’intéresse au traçage moléculaire de la faune sauvage rencontrée sur les marchés de viande de brousse, ainsi qu’aux cohortes de pathogènes (virus et bactéries) associés à la viande de brousse.

De quel constat êtes-vous parti pour monter le projet AFRICoV ?

Les virus de type SARS-CoV-2 appartiennent au groupe des bétacoronavirus (β-CoV) et ont jusqu’ici été identifiés chez la chauve-souris et le pangolin. Étant donné la diversité des β-CoV et leur capacité reconnue à franchir la barrière des espèces, la majorité du spectre de la diversité des virus proches du SARS-CoV-2 reste très probablement à identifier. Plusieurs scénarios évolutifs impliquant divers hôtes intermédiaires et diverses recombinaisons entre les souches de type SARS-CoV-2 avant l’infection humaine ont été émis. Compte tenu de l’ampleur du commerce de la viande de brousse en Afrique tropicale et de la présence des représentants des espèces incriminées en Asie (chauves-souris, pangolins), les risques de résurgence d’épidémie liés aux virus proches du SARS-Cov-2 en Afrique peuvent être considérés comme élevés. En effet, dans la plupart des pays d’Afrique tropicale humide, la viande de brousse constitue une source de protéines et de revenus pour de nombreuses populations. Par ailleurs, les contacts entre l’homme et la faune sont de plus en plus fréquents compte tenu de la fragmentation des habitats naturels et de la déforestation.

Pourquoi avoir choisi de mettre en place le projet AFRICoV dans ces pays ?


La Côte d’Ivoire, le Cameroun et le Bénin sont représentatifs de différentes zones biogéographiques de la forêt guinéenne, reconnue pour sa grande diversité biologique. En effet, la Côte d’Ivoire se situe dans la zone forestière de la Haute Guinée, alors que le Cameroun se situe dans celle de la Basse Guinée et le Bénin se situe au niveau de la zone de savane, appelée le « Dahomey Gap », séparant ces deux zones forestières.

La caractérisation génomique des virus isolés dans ces différentes zones devrait nous permettre, à travers une analyse comparative, d’identifier différentes lignées évolutives des virus proches du SARS-Cov-2 en circulation.

Ces trois pays sont également représentatifs des pays d’Afrique tropicale dans lesquels la consommation et le commerce de viande de brousse est important. Par ailleurs, une collaboration entre les représentants de ces pays et le partenaire Nord (Philippe Gaubert, IRD) sur la thématique de la viande de brousse existe depuis  plusieurs années.


« A travers les prélèvements effectués chez des animaux domestiques, nous étudierons les possibles rétro-infections des animaux par des humains porteurs du SARS-CoV-2. Cette approche reste inédite en Afrique de l’Ouest et présage de résultats notables. « 

En quoi cette étude est-elle inédite en Afrique de l’Ouest ?

La diversité des virus proches du SARS-CoV-2 est peu explorée chez les mammifères d’Afrique. Si quelques rares études ont pu identifier des coronavirus chez certaines espèces de chauves-souris, ceux présents chez d’autres groupes de mammifères restent encore inexplorés. Notre étude est inédite car elle explore la diversité de ces virus chez la plupart des groupes de mammifères, regroupant aussi bien la faune sauvage que domestique. A travers les prélèvements effectués chez des animaux domestiques, nous étudierons les possibles rétro-infections des animaux par des humains porteurs du SARS-CoV-2. Cette approche reste inédite en Afrique de l’Ouest et présage de notables résultats .

Comment les consommateurs et les vendeurs de viande de brousse accueillent-ils cette étude ?

Dans leur grande majorité, les acteurs de la filière sont méfiants vis-à-vis de l’étude. En effet, ils réalisent leur commerce dans l’illégalité et perçoivent donc l’étude comme une entrave à l’exercice de leurs activités. Pour eux, montrer que la faune sauvage est l’hôte de divers pathogènes, et notamment les virus proches du SARS-CoV-2, entraînerait l’arrêt de leur activité commerciale.

Comment les différentes équipes collaborent-elles entre elles ?

Des réunions de travail ont lieu régulièrement entre les représentants des différentes équipes impliquées dans le projet. A travers leur représentants – dans les cinq pays : Bénin, Cameroun, Côte d’Ivoire, France et Portugal – elles travaillent depuis plusieurs années sur thématique de la viande de brousse, ce qui facilite davantage la collaboration.

Quand pensez-vous avoir des résultats ?


Des enquêtes préliminaires ont déjà été menées auprès des vendeurs de viande de brousse. Les résultats sont en cours d’analyse et seront publiés dans un article scientifique.

La collecte des échantillons biologiques démarrera dans les trois pays concernés par l’étude au mois d’octobre 2021 et sera suivie des analyses en laboratoire. Tous les résultats de l’étude seront ainsi disponibles au plus tard en décembre 2022.


Pour plus d’informations sur : 


Contact presse :

Département de communication et d’information scientifique de l’ANRS | Maladies infectieuses émergentes :

information@anrs.fr