Nous avons identifié une famille de lipides acétyléniques (LACs) qui montre une activité très prometteuse contre Mycobacterium tuberculosis (Mtb), l’agent étiologique de la tuberculose humaine (TB). Nous proposons maintenant d’explorer les propriétés pharmacologiques et thérapeutiques de molécules LAC sélectionnées chez la souris.
Mtb reste l’un des agents pathogènes humains les plus mortels au monde, faisant 1,4 million de victimes et entraînant environ 10 millions de nouveaux cas chaque année, y compris dans les pays de l’UE. L’augmentation des souches de Mtb résistantes aux antituberculeux est particulièrement préoccupante. De plus, la pandémie actuelle de COVID-19 a eu un impact négatif majeur sur les efforts pour enrayer la tuberculose, entraînant une diminution spectaculaire de la détection de la maladie et un taux croissant d’interruptions de traitement, favorisant l’apparition de TB résistante aux antibiotiques.
Les traitements de la TB actuellement disponibles sont longs, complexes et comportent de lourds effets secondaires. Même les formes de tuberculose les plus sensibles aux antibiotiques nécessitent un traitement de 6 mois avec les antituberculeux de première ligne (isoniazide, rifampicine, pyrazinamide et éthambutol). Cette stratégie est restée largement inchangée au cours des 50 à 60 dernières années, avec seulement 3 nouveaux antituberculeux (la delamanide, la bedaquiline et le pretomanide) approuvés récemment (2014-2020). Les traitements thérapeutiques actuels restent inefficaces contre les souches multirésistantes (MDR), extrêmement résistantes (XDR) et totalement résistantes (TDR) qui ont émergé, ajoutant ainsi une dimension alarmante à cette crise sanitaire mondiale. Cette situation souligne l’urgence de développer des familles chimiques inédites d’antibiotiques, mettant en œuvre de nouveaux mécanismes d’action (MOA), pour lutter contre l’antibiorésistance et contrôler la propagation de la maladie.
Les produits naturels bioactifs sont bien représentés parmi les antibiotiques fréquemment prescrits, et les lipides naturels constituent une classe de produits naturels abondants mais encore sous-exploités. Parmi eux, le falcarinol et le falcarindiol, issus de plantes médicinales, présentent une activité antimycobactérienne modérée in vitro. Compte tenu de leur structure chimique unique, nous avons émis l’hypothèse que ces composés, de même que d’autres alcynylcarbinols lipidiques (LACs), constituent une source potentielle d’agents antituberculeux avec un MOA unique encore non-identifié.
En effet, parmi les dérivés LACs bioinspirés que nous avons synthétisés et testés à ce jour, certains se sont révélés non seulement plus puissants, plus sélectifs (pour Mtb vs des cellules humaines, en particulier les macrophages hôtes de Mtb) et synthétiquement accessibles, mais également aussi actifs que l’antituberculeux de première intention de structure complètement différente, l’isoniazide, avec une concentration minimale inhibitrice de l’ordre du micromolaire. Ce projet propose d’étudier leur propriétés pharmacocinétiques, leur toxicité et de faire la preuve de concept de leur efficacité thérapeutique in vivo sur la souris infectée.
Contrairement aux antituberculeux actuellement utilisés, les LACs ne contiennent ni atome d’azote ni cycle aromatique, et sont de nature lipidique, ce qui suggère un mode d’action totalement nouveau. Si les résultats du projet actuel valident l’effet des candidats LAC sélectionnés contre Mtb in vivo, ces molécules pourraient constituer ou inspirer un nouveau type d’outils thérapeutiques dans l’arsenal anti-TB.