Les arbovirus (virus transmis par des arthropodes) infectent plus de 700 millions de personnes chaque année, avec un impact majeur sur la santé publique mondiale. Les moustiques du genre Aedes, notamment Aedes aegypti, sont les principaux vecteurs, capables de transmettre des virus appartenant aux quatre grands taxons d’arbovirus, dont les Flavivirus et Alphavirus.
Le virus Chikungunya (CHIKV), un alphavirus du groupe antigénique Semliki Forest, est l’un des plus répandus et est transmis entre autre par le moustique Aedes aegypti. Un autre membre de ce groupe, le virus O’nyong nyong (ONNV), est unique par sa transmission naturelle via les moustiques Anopheles, en particulier Anopheles gambiae, également vecteur du paludisme. ONNV a été isolé pour la première fois en 1959 en Ouganda, et a longtemps été confondu avec un sous-type de CHIKV en raison de leur forte similarité.
Ces deux virus constituent un modèle pertinent pour étudier la spécificité vectorielle, car leurs vecteurs respectifs appartiennent à des sous-familles ayant divergé il y a environ 170 millions d’années. Cette spécificité soulève des questions clés sur les déterminants moléculaires qui régissent l’adaptation des virus à leurs vecteurs.
Ce projet vise à identifier les mécanismes moléculaires responsables de cette spécificité, notamment les interactions entre les protéines virales et les facteurs hôtes chez les moustiques. L’objectif est de mieux comprendre l’adaptation des virus à de nouveaux vecteurs urbains et ainsi anticiper les risques d’émergences futures.
L’équipe « Mosquito Immune Responses » dispose d’une expertise avérée dans l’étude des interactions vecteur-pathogène, avec des élevages d’Aedes aegypti et Anopheles coluzzii (anciennement An. gambiae), des installations P2/P3, et une expérience en génétique des moustiques.
Les travaux antérieurs ont mis en évidence le rôle de la protéine virale nsP3 dans la spécificité vectorielle. Des virus chimériques montrent que l’échange de nsP3 entre CHIKV et ONNV permet à CHIKV d’infecter partiellement Anopheles. nsP3, essentielle à la réplication virale, interagit avec des protéines hôtes via son domaine hypervariable (HVD) et sa forte variabilité entre alphavirus suggère un rôle clé dans la spécificité vectorielle.
Ce projet de thèse se concentrera donc sur le rôle de nsP3 dans l’infection virale et la spécificité hôte via trois axes expérimentaux complémentaires.