Les inhibiteurs de l’intégrase sont un pilier de l’arsenal des antirétroviraux utilisés en clinique. Les anti-intégrases inhibent très efficacement l’intégration du VIH-1. Cette étape d’intégration est présentée comme essentielle dans le cycle de réplication virale puisqu’elle assure la stabilité du génome viral ainsi que la production de particules virales infectieuses. Contrairement aux inhibiteurs de première génération (raltégravir et elvitégravir) pour lesquels 3 voies principales de résistance ont été bien caractérisées, quelques mutations sont décrites pour le dolutégravir mais qui ne permettent pas de conclure de façon claire sur le moyen d’échappement utilisé par le virus pour contrecarrer l’action de cet inhibiteur. D’autre part, il n’a pas été mis en évidence jusqu’à présent de mutation de résistance dans le gène de l’intégrase chez les patients naïfs de traitement antirétroviral en échec sous dolutégravir. Le mécanisme d’échappement du virus au Dolutégravir reste donc entier et constitue un sujet de recherche important en vue de l’amélioration de la prise en charge des patients.
Nos laboratoires travaillent en collaboration depuis plusieurs années sur la caractérisation des mutations de résistance aux anti-intégrases. Dans le cadre de nos recherches, nous avons sélectionné, in vitro, un virus résistant au dolutégravir. L’analyse des séquences de l’intégrase chez ce virus montre une séquence intégrase parfaitement identique à celle du virus sauvage. Ces résultats ont fait l’objet d’une publication dans Mbio. Il est important de signaler que des mutations analogues ont été récemment détectées, par un groupe indépendant, chez des patients échappant au dolutégravir sans mutation au niveau de l’intégrase.
L’analyse de notre virus résistant au niveau de plusieurs autres régions du génome a permis de mettre en évidence des mutations au niveau du motif 3’PPT dans le gène nef, en amont du 3’LTR. De plus, ces modifications ont pour conséquence un décalage du cadre de lecture conduisant à une protéine Nef tronquée. Cette séquence 3’PPT mutée montre une certaine stabilité au cours du temps dans nos expériences.
Nos travaux montrent que ce virus, reconstitué par mutagénèse dirigée, est résistant au dolutégravir. La résistance de ce virus au dolutégravir est supérieure à celle de mutants récemment caractérisés et publiées par nos équipes. D’autre part, ce virus 3’PPT mutant est réplicatif dans les cellules MT4, et montre une infectiosité atténuée par rapport au virus sauvage.
A notre connaissance, le fait qu’un virus sélectionné in vitro, soit infectieux, résistant à un inhibiteur de l’intégrase, et ne montre aucune mutation au niveau de l’intégrase est un résultat tout à fait nouveau. Après la description phénotypique de ce virus qui a fait l’objet d’une publication, notre projet vise à comprendre les mécanismes à l’origine de la réplication et de la résistance de ce virus au dolutégravir.
Le mécanisme de réplication de ce virus pourrait être original. En effet, une hypothèse émise serait que le virus ne nécessite pas de réaction d’intégration pour se répliquer. Nos premières expériences montrent que l’efficacité d’intégration du virus mutant est extrêmement faible et peut être comparée à celle d’un virus sauvage en présence d’une forte concentration d’inhibiteur anti-intégrase.
Ainsi, la mutation identifiée pourrait conduire le virus à se répliquer faiblement, par une voie mettant en jeu les molécules non-intégrées du VIH-1, comme les molécules circulaires 1-LTR et/ou 2-LTR. Ne passant pas par la voie intégrative, ce virus, infectieux, serait totalement résistant au dolutégravir mais aussi aux autres inhibiteurs anti-intégrase comme le Raltégravir ou l’Elvitégravir.
Ce projet, basé sur des résultats originaux dont une partie est publiée, pourrait conduire (i) à mettre en évidence un mécanisme de réplication et de résistance tout à fait original (ii) à expliquer les échappements des patients traités par les inhibiteurs de l’intégrase sans mutations de résistance identifiées.