Projets et candidats lauréats

Les CTL reconnaissent des peptides dérivés de protéines virales classiques mais également des peptides codés par des cadres de lecture alternatifs (ARF) (appelés épitopes cryptiques (CE)). Les CTL spécifiques de CE sont détectés au cours des stades aigu et chronique de l’infection par le VIH-1 (VIH). Ces CE ont été décrits sur la base de la prédiction d’ARF ou en utilisant l’empreinte HLA. Nous proposons de définir la carte des ARF du VIH exprimés dans les cellules infectées et d’identifier de nouveaux CE. Nous voulons comparer les patterns d’expression de ces ARF dans diverses cibles du VIH.

En utilisant le profilage des ribosomes, nous avons généré la première carte des ORF traduits du VIH. Cette technique permet l’identification d’ORF par isolement direct de fragments d’ARNm protégés par les ribosomes, lors de la traduction. En plus des ORF classiques, nous avons identifié 102 ARF, répartis sur le génome du VIH. La longueur en acide aminé (AA) des ARF varie de 11 à 101 AA avec une moyenne à 23 AA. Nous avons estimé la couverture des ribosomes et la conservation des ARF (en comparant avec des séquences de clade B extraites de LANL). Nous avons observé que certains ARF ont une couverture ribosomique et une conservation supérieure à l’ORF chevauchante (dans l’ORF de Env) tandis que d’autres ont une forte couverture mais une faible conservation (dans le 5′-LTR). Sur la base de ces caractéristiques, nous avons sélectionné 86 ARF pour une analyse plus approfondie. Nous avons déjà observé que des peptides dérivés de 4 ARF activent des lymphocytes T dans les PBMC de patients infectés par le VIH.

Dans le cadre de ce projet, basé sur notre carte des ARF du VIH traduits, nous visons à identifier des CE conservés, en utilisant deux approches complémentaires, 1- l’immunopeptidomique des cellules infectées par le VIH et 2- stimulation de PBMC de donneurs infectés par le VIH avec une bibliothèque de peptide synthétique correspondant aux séquences ARF. En outre, pour mettre en évidence les différences potentielles dans la traduction des protéines virales et des polypeptides qui pourraient influencer négativement la reconnaissance et le priming des cellules T, nous comparerons le profilage des ribosomes des cellules T CD4+ primaires et des cellules dendritiques autologues (DC) infectées par le VIH. En utilisant l’Elispot, des tétramères HLA et de l’ICS, nous caractériserons la fréquence et la qualité des cellules T spécifiques des CE et nous analyserons leur capacité à reconnaître les cellules infectées. Enfin, en introduisant des codons stop prématurés dans des ARF bien conservés, nous étudierons l’influence de l’expression d’ARF sur la réplication virale.

Les objectifs spécifiques de ce projet sont:

(A) utiliser le profilage des ribosomes pour identifier de nouveaux et confirmer l’existence d’ARF dans les lymphocytes T CD4 + primaires infectés par des virus T/F.

(B) comparer le translatome du VIH dans les cellules T CD4+ primaires et DC pour révéler des différences potentielles dans l’expression des antigènes du VIH, y compris les polypeptides dérivés d’ARF.

(C) identifier les polypeptides viraux codés par les ARF, par isolation direct des ligands du CMH sur les cellules infectées. À cette fin, nous avons établi une collaboration avec des experts en immunopeptidomique de l’Université de Tübingen.

(D) analyser les réponses T spécifiques de CE chez les patients VIH + en utilisant l’ Elispot IFN-γ. Nous étudierons la fréquence et le maintien des lymphocytes T spécifiques des CE au cours de l’infection.

(E) évaluer ex vivo la qualité des réponses CTL spécifiques de CE en les comparant aux réponses T classiques.

(F) étudier l’influence de l’expression d’ARF sur la réplication du VIH. Afin de mettre en évidence les propriétés fonctionnelles de certains polypeptides codés par les ARF.

La découverte de la CE a révélé l’immense capacité de codage du VIH et mis en évidence la pertinence immunologique des ARF. Notre objectif est de découvrir des antigènes conservés du VIH à utiliser dans la conception de vaccins et de fournir un rationnel pour leur sélection en fonction des modes d’expression dans les cellules infectées.

Ce projet d’initiation prend place dans la réflexion générale sur la stratégie de simplification thérapeutique initiée par l’ANRS et par d’autres institutions. Dans le contexte actuel où les patients infectés par le VIH sont mis sous traitements antirétroviraux dès leur diagnostic et ce à vie, des défis se posent tels que la toxicité du traitement au long cours, le risque d’interactions médicamenteuses, la réduction de l’adhésion aux médicaments générant un risque de survenue de résistances, la qualité de vie des patients et les coûts de leur prise en charge. Pour tenter de répondre à ces enjeux, différentes stratégies sont aujourd’hui explorées, telles que la simplification du schéma thérapeutique (diminution des dosages, des fréquences d’administration, du nombre de médicaments ou de classes thérapeutiques) et l’utilisation de nouveaux antirétroviraux se caractérisant par une meilleure tolérance et une barrière génétique élevée, notamment le dolutégravir.  C’est dans cette dynamique que l’essai clinique Moderato (ANRS 12372) s’est donné pour objectif de comparer l’efficacité des bithérapies de maintenance (à base soit de DTG+3TC soit de ATV/r+3TC) par rapport à la stratégie de poursuivre la trithérapie de référence OMS (TDF+3TC+EFV) chez les patients définis comme stables dans trois pays (Côte d’Ivoire, Burkina Faso et Cameroun).

Ce projet d’initiation est une étude socio-anthropologique dont l’objectif est d’apporter des éléments de compréhension qualitatifs complémentaires à l’essai clinique Moderato, avec un double objectif.

Premièrement, il s’agira d’évaluer l’acceptabilité (et ses conditions) du passage d’une trithérapie à une bithérapie de maintenance pour les patients infectés par le VIH, stabilisés et inclus dans l’essai clinique Moderato en Côte d’Ivoire. En effet, après vingt ans où les trithérapies ont constitué le standard dans la prise en charge du VIH, la proposition d’une bithérapie de maintenance aux patients stables pourrait être perçue comme une régression, et ce d’autant plus que le passage à une bithérapie impliquera pour les patients une augmentation du nombre de comprimés à prendre quotidiennement (passant d’un comprimé pour la trithérapie de référence à deux comprimés). Ces messages qui pourraient apparaitre contradictoires, pourraient ainsi faire obstacle à l’adhésion des patients aux traitements, condition nécessaire de leur observance.

Deuxièmement, il s’agira d’analyser les effets secondaires ressentis et le bien-être perçu des patients, en complémentarité de l’évaluation qui sera faite dans l’essai clinique Moderato. En effet, des études anthropologiques ont montré les décalages qui existent généralement entre les effets secondaires somatiques (mesurés cliniquement) et les effets secondaires perçus. Il est ainsi essentiel d’analyser le sens donné par les patients à un traitement et à ses effets iatrogènes dans leur contexte socio-culturel local afin d’analyser avec plus de précision la question des effets secondaires, et de comprendre pourquoi certains seront perçus comme normaux ou pathologiques, principaux ou secondaires, en fonction de la logique propre de chaque patient.

Ce projet nous parait être d’une actualité très forte, puisque dans la perspective d’un passage à l’échelle d’une stratégie de bithérapie de maintenance chez les patients stables, il est essentiel d’identifier leurs perceptions ainsi que les enjeux sociaux, notamment les points de blocage et les leviers à la bonne compréhension de cette stratégie et de documenter de manière fine les effets secondaires ressentis pour les patients sous bithérapie.

Or, à notre connaissance, il n’existe pas encore d’étude qualitative sur cette question.

Pour cela, nous allons mener une étude qualitative en Côte d’Ivoire (12 mois), avec des entretiens conduits auprès d’environ 20 patients sous bithérapie (10 dans chaque bras) et de 5 patients poursuivant la trithérapie de référence ; des entretiens auprès du personnel médico-social de l’essai Moderato (environ 10) ; et des observations de consultations et de séances d’éducation thérapeutique.

Les gouttelettes lipidiques (GLs) sont des gouttelettes d’huile dans la phase aqueuse cytoplasmique des cellules. Elles

sont faites d’un coeur huileux, majoritairement composé de triglycérides, recouvert d’une monocouche de

phospholipides contenant des protéines. Les GLs se forment à partir du réticulum endoplasmique (RE) et jouent un rôle

crucial de tampon lipidique, régulant ainsi le métabolisme lipidique et énergétique cellulaire.

Il devient de plus en plus clair que les GLs sont quasi systématiquement impliquées dans la multiplication de particules

virales lors d’infections virales. Pour illustration, même le SARS-CoV2, responsable de la pandémie actuelle, détourne

la fonction des enzymes impliquées dans biogénèse des GLs, et cela plus particulièrement chez les patients gravement

atteints. Une des raisons les plus simples expliquant cette implication des GLs dans la formation de particules virales est

que cette étape requiert une source de lipides.

Dans ce projet, nous nous intéressons au cas de l’infection du virus de l’Hépatite C (VHC), pour lequel la protéine Core

de la capside du virus ainsi qu’une de ses protéines non structurées se lient à la surface des GLs lors de l’infection. Cette

liaison est importante pour la réplication de l’ARN virale, surtout pour les souches JFH1. En revanche, pour les souches

Jc1, la présence des GLs n’est pas requise à la propagation de l’infection, questionnant ainsi sur la vraie importance

des GLs dans le processus d’infection de HCV.

Nos données préliminaires démontrent que la présence des GLs dans la cellule n’est pas un prérequis à la multiplication

des virions. En revanche, la présence de triglycérides est un facteur crucial à cela. Les triglycérides sont en effet pour la

plupart stockés dans les GLs, mais une bonne fraction peut se retrouver dans la partie hydrophobe de la membrane RE,

surtout (1) dans les situations de lipogenèse où les GLs ont du mal à se former, ou (2) lorsque les GLs sont en continuité

physique avec le RE et lui délivre des triglycérides. Nos données nous suggèrent l’hypothèse que ce sont les

triglycérides enfouis dans la membrane du RE qui sont responsables d’un assemblage viral efficace : Core, facteur

essentiel à l’assemblage viral au niveau du RE, ne se lie à la membrane du RE que si des triglycérides y sont présents.

Ce projet étudiera ainsi l’interaction de Core avec les triglycérides (pas avec les GLs) et élucidera les propriétés du

RE favorables au recrutement de Core et à la production de particules virales. Nos résultats apporteront une

compréhension unique du mécanisme d’assemblage viral de HCV, et potentiellement d’autres virions, ce qui sera

extrêmement bénéfique pour le développement de traitements plus efficaces.

Le cancer du col de l’utérus résulte d’une infection persistante par des papillomavirus humains oncogènes (HPV). Il s’agit de la principale cause de décès par cancer chez les femmes des pays d’Afrique subsaharienne, notamment en Afrique de l’Ouest : en 2020, un nouveau cas de cancer sur quatre chez les femmes d’Afrique de l’Ouest était un cancer du col de l’utérus, soit l’incidence la plus élevée au monde. Les femmes vivant avec le VIH présentent un risque accru d’infection persistante par les HPV et de cancer du col de l’utérus. Il est donc important que ces femmes bénéficient d’un dépistage efficace des lésions précancéreuses/cancéreuses et d’un traitement rapide si nécessaire, sans avoir à payer le coût individuel élevé d’une ablation cervicale inutile. Pour atteindre l’objectif de l’OMS consistant à « éliminer le cancer du col de l’utérus en tant que problème de santé publique », il est urgent de mettre au point des tests rentables pouvant être utilisés dans ce contexte de revenus limités.

Les tests HPV ont montré une très bonne sensibilité pour détecter la présence de lésions précancéreuses au prix d’un taux de faux positifs modéré. Un second test dit de triage est donc nécessaire pour identifier les femmes qui ont réellement besoin d’un traitement. Le niveau de méthylation de certains gènes cellulaires est un marqueur performant en termes de sensibilité et de spécificité pour identifier les femmes à risque de développer des lésions précancéreuses/cancéreuses. L’étude AIMA-CC (ANRS 12375) menée en Côte d’Ivoire, au Burkina Faso et au Cambodge vise à évaluer différentes stratégies de dépistage basées sur un dépistage primaire avec un test HPV suivi d’un triage avec un génotypage partiel du HPV et une inspection visuelle. Dans ce projet, imbriqué dans le projet AIMA-CC déjà en cours, nous proposons d’évaluer auprès des participants un nouveau test de triage prometteur évaluant la méthylation des gènes FAM19A4 et miR124-2, combiné à un génotypage viral plus fin. Les performances de ce test de méthylation seront comparées à celles du génotypage partiel HPV et de l’inspection visuelle, l’analyse histologique sur biopsies étant la référence pour l’identification et la détermination du grade des lésions cervicales. La confirmation de la bonne performance de ce test permettrait d’envisager son utilisation comme test de triage chez les femmes HPV-positives et pourrait permettre d’envisager une utilisation future dans le dépistage primaire du col de l’utérus.

Outre la dimension analytique des résultats, un objectif explicite de ce projet est le renforcement des capacités et le transfert de connaissances au laboratoire basé à Abidjan. Enfin, les approches basées sur la méthylation se sont avérées efficaces pour le dépistage du cancer du col de l’utérus dans les pays riches, mais les données concernant l’applicabilité dans les milieux à faibles revenus font cruellement défaut. Nous espérons sincèrement que les résultats scientifiques générés dans ce projet aideront à définir une stratégie optimale pour protéger les femmes des régions défavorisées de mourir d’un cancer évitable.