L’utilisation des thérapies antirétrovirales (cART) est très efficace pour supprimer la réplication du VIH-1. Cependant, l’infection par le VIH ne peut pas être éradiquée car le virus persiste dans les réservoirs cellulaires, tels que les cellules CD4+T infectées de manière latente, contenant des provirus silencieux mais capables de transcription. Ces provirus latents ont la capacité de se réactiver lors de l’interruption des traitements, entraînant un rebond rapide de l’infection. Le développement de nouveaux agents thérapeutiques ciblant les cellules infectées de manière latente est donc crucial dans la course à la guérison de l’infection par le VIH-1.
La latence est un processus multifactoriel contrôlé par l’état de la chromatine au site d’intégration ainsi que par la disponibilité des facteurs transcriptionnels et post-transcriptionnels. L’une des étapes majeures contrôlant la modulation du provirus VIH-1 est la pause-redémarrage de l’ARN Polymérase II (ARNPII) dans la région proximale du site d’initiation de la transcription. Un blocage du redémarrage de l’ARNPII après la pause peut entraîner une terminaison prématurée de la transcription.
Nous décrivons ici deux activateurs transcriptionnels, SPT6 et BRD4, comme étant des répresseurs de l’expression du VIH-1. SPT6 est un facteur d’élongation de la transcription qui a été récemment décrit pour contrôler la terminaison de la transcription des gènes cellulaires. De même, BRD4 qui est une protéine connue pour interagir avec les régulateurs transcriptionnels et se lier aux promoteurs et enhancers actifs. Paradoxalement, ces deux facteurs exercent des rôles répressifs sur l’expression du VIH-1. Des études récentes ont montré que BRD4 recrutait des facteurs d’élongation, notamment SPT6 et la machinerie de terminaison en 3’ des ARNm, lors d’un point de contrôle de l’ARNPII. De fait, ce mécanisme moléculaire pourrait expliquer nos observations récentes sur le rôle de SPT6 et du complexe CPA dans la répression de la transcription du VIH dans les cellules latentes.
Nos données préliminaires confirment que SPT6 interagit avec BRD4 et la sous-unité catalytique du complexe de clivage et de polyadénylation (CPA) et inhibe l’expression du VIH dépendamment du signal de polyadénylation présent dans le 5’LTR. Nous montrons également que l’inhibition de ce complexe réactive de manière significative l’expression du VIH dans plusieurs modèles de latence. Ainsi, notre hypothèse est que dans les cellules infectées de manière latente, BRD4 et SPT6 s’associent à l’ARNPII en pause au niveau du 5’LTR et recrutent le complexe CPA pour induire la terminaison prématurée de la transcription du VIH. Ce mécanisme pourrait être directement ciblé par dBet6, un dégradeur rapide et spécifique de BRD4, pour induire la réactivation de l’expression du VIH.
Dans ce projet, nous utiliserons une combinaison d’approches biochimiques et moléculaires pour valider et caractériser le complexe SPT6-BRD4-CPA. Nous étudierons les mécanismes de recrutement de ces protéines au provirus. De plus, nous étudierons le rôle de ce complexe dans l’établissement de la latence du VIH-1 dans les lymphocytes T CD4+ humains primaires. Ce modèle de latence sera également utilisé pour déterminer si la terminaison prématurée de la transcription du VIH-1 nécessite la présence de SPT6 et de BRD4. Surtout, nous évaluerons le potentiel de dBet6 seul, ou en combinaison avec d’autres agents de réversion de la latence (LRA), sur la réactivation du VIH-1. Nous évaluerons l’effet de ces combinaisons dans des lignées cellulaires infectées par le VIH-1 et des modèles de cellules primaires d’origine lymphoïde T et myéloïde. Enfin, nous analyserons l’effet des combinaisons les plus prometteuses sur la réactivation de l’expression virale dans des cultures ex vivo de PBMC déplétées en CD8+ isolées du sang de patients VIH+ sous cART.
Notre projet révèle un nouveau mécanisme moléculaire impliqué dans la latence du VIH-1 et vise à fournir une preuve de concept selon laquelle la perturbation de la terminaison prématurée de la transcription pourrait conduire à la réactivation de provirus latents dans les stratégies de guérison du VIH.