Cette édition des journées scientifiques de l'ANRS | Maladies infectieuses émergentes a mis en avant la collaboration et la transversalité au travers des cinq sessions du programme, au cours desquelles des orateurs de renom font le point sur des thématiques porteuses et des jeunes scientifiques présentent leurs travaux.
Dernière mise à jour le 08 février 2024
Cette édition des journées scientifiques de l’ANRS | Maladies infectieuses émergentes a mis en avant la collaboration et la transversalité au travers des cinq sessions du programme, au cours desquelles des orateurs de renom font le point sur des thématiques porteuses et des jeunes scientifiques présentent leurs travaux.
Dans son introduction, le Pr Stewart Cole, directeur général de l’Institut Pasteur, a remercié tous les acteurs engagés en faveur du progrès de la science et de la santé, avant de rappeler que les collaborations entre l’Institut Pasteur et l’ANRS | Maladies infectieuses émergentes sont nombreuses et fructueuses. Il a ensuite exposé les trois enjeux essentiels pour l’avenir de la recherche française en santé : la nécessité de financements massifs dans ce domaine, l’accélération des efforts de simplification du cadre réglementaire et l’importance d’une médiation scientifique et d’une ouverture vers la société créative et engagée.
Le Pr Yazdan Yazdanpanah, directeur de l’agence, a ensuite indiqué que la collaboration multisectorielle fait partie de l’identité de l’ANRS | Maladies infectieuses émergentes. Cette valeur est mise en œuvre à travers le développement de partenariats européens et internationaux, sans quoi la recherche sur les maladies infectieuses n’est ni efficace, ni possible. Pour 2023, l’agence se concentre sur quatre axes : une meilleure définition des priorités de recherche, grâce aux chercheurs et aux acteurs communautaires, la refonte du dispositif d’animation de la recherche, le développement d’un programme dédié aux jeunes chercheurs pour les inciter à s’engager dans le domaine des maladies infectieuses et émergentes et, enfin, le renforcement du plaidoyer. Pour finir, le 21 mars étant le nouvel an iranien, il a salué le combat des Iraniennes et des Iraniens pour la liberté.
Lors de son intervention vidéo, Sylvie Retailleau, ministre de l’Enseignement supérieur et de la Recherche, a loué la volonté de l’agence de tirer les conclusions des épidémies récentes et de s’inscrire dans la stratégie de préparation de la France aux futures crises, en particulier via le pilotage du PEPR MIE et du consortium européen Be Ready. Pour conclure, la ministre a souligné l’ambition forte de la France pour la recherche biomédicale et le transfert des résultats de la recherche vers des produits de santé à disposition des citoyens.
Au cours de la conférence invitée de cette première session, le Pr Adrian Hill, directeur du Jenner Institute au Royaume-Uni, a présenté une stratégie de développement de vaccins, notamment dans le cadre de la préparation et de la réponse aux épidémies. Le Jenner Institute et AstraZeneca ont développé le vaccin anti-Covid ChAdOx19 dans un délai sans précédent, grâce à l’expérience sur la plateforme vaccinale à adénovirus et aux capacités de recherche acquises en amont par l’institut. Cependant, l’élément clé pour le passage aux phases cliniques et à la production à large échelle a été la mise en place de partenariats avec des industriels. Un vaccin protéique prometteur contre le paludisme a également été développé. Il a montré une efficacité de plus de 75 % chez les enfants de 5-17 mois dans un essai clinique de phase IIb. En conclusion, Adrian Hill propose un modèle pour le développement de vaccins par des institutions de recherche académiques, envisageant des études précliniques et cliniques précoces portées par l’institution et des partenariats préétablis avec des acteurs industriels spécialisés dans la production à large échelle pour les phases cliniques en aval puis pour la distribution.
Lors de la seconde présentation, le Pr Yves Lévy est revenu sur les travaux en cours au sein du VRI, qu’il dirige. Cet institut a été créé par l’ANRS et l’UPEC dans le but de mettre en place de nouvelles stratégies vaccinales contre le VIH/sida et les maladies infectieuses émergentes. Un intérêt particulier a été porté à la plateforme basée sur un modèle de présentation des antigènes ciblant spécifiquement le CD40 à la surface des cellules dendritiques et notamment au CD40.HIVRI.Env, un vaccin préventif contre le VIH. Dans le cadre de l’étude ANRS VRI06, l’équipe du Pr. Lévy a démontré que ce vaccin est bien toléré et qu’il induit une réponse immunitaire précoce, importante et durable. Sur cette même approche, d’autres candidats vaccins sont actuellement développés par LinKinVax, une start-up issue du VRI.
Le Dr Sylvain Baize (Institut Pasteur, CIRI) a ensuite présenté les avancés scientifiques concernant le développement d’un vaccin contre la fièvre de Lassa, pour laquelle aucun traitement efficace n’est disponible aujourd’hui. Son équipe travaille actuellement sur deux candidats vaccins contre le arénavirus, à l’origine de la fièvre de Lassa, dont un vaccin fondé sur la plateforme rougeole (MV-LASV), développé en collaboration avec Themis. Les expériences chez les primates ont montré que le vaccin administré en « prime-boost » induit une réponse immunitaire persistante, protectrice et cross réactive vis-à-vis de différentes souches d’arénavirus. Les premières données chez l’homme corroborent ces résultats et montrent la bonne tolérance du vaccin. Une étude de phase III permettra de tester l’efficacité du vaccin en zone endémique (Afrique de l’Ouest).
Concernant la vaccination contre la tuberculose, qui reste une priorité de santé publique au niveau mondial, le seul disponible utilisé, le bacille de Calmette et Guérin (BCG), ne protège pas assez contre les formes pulmonaires de tuberculose chez l’adulte, formes contagieuses de la maladie. Roland Brosch (Institut Pasteur) a présenté différents candidats vaccins en cours de développement clinique et en particulier les résultats précliniques prometteurs d’un candidat au design innovant développé au sein de son unité de recherche, le vaccin recombinant BCG::ESX-1, ciblant le système de sécrétion des mycobactéries.
Lors de son intervention, Claire Hautefeuille (Cirad, UMR ASTRE, Montpellier), vétérinaire de formation, a présenté ses travaux sur l’influenza aviaire et porcine. L’influenza aviaire (grippe aviaire) touche le monde entier et impacte lourdement l’économie. La chercheuse a abordé les différentes stratégies de vaccination et leurs applications, notamment l’utilisation de l’outil EVACS, développé depuis 2013 par le Cirad, qui permet de définir la stratégie de vaccination la plus efficace. Cet outil est une aide à la décision qui se base sur une approche participative et qui est adaptable à différents contextes.
A la fin de la matinée, Lise Alter (directrice générale de l’Agence de l’innovation en santé ou AIS, secrétariat général pour l’investissement) et Nadia Khelef (Stratégie nationale d’accélération maladies infectieuses émergentes et menaces NRBC, AIS/SGPI) ont fait un focus sur les investissements majeurs réalisés en recherche biomédicale dans le cadre du programme France 2030 « pour mettre en place un continuum allant de la recherche jusqu’aux capacités de production » et être ainsi mieux préparé en cas de survenue d’une future crise. Elles ont souligné l’importance de l’articulation entre les volets recherche de la stratégie nationale d’accélération (PEPR MIE et PREZODE), l’innovation, les capacités de développement des contremesures, l’anticipation et la préparation des crises et la formation multidisciplinaire.
Joseph Larmarange (IRD, CEPED) a ouvert la session en témoignant de l’importance de transformer des innovations efficaces en interventions efficientes. Historiquement, la lutte contre le VIH a montré que de nombreuses innovations scientifiques et biomédicales, telles que les antirétroviraux, les tests de dépistage rapide ou encore la prophylaxie préexposition (PrEP) ne fonctionnent pas uniformément suivant les pays et les contextes socioculturels et économiques. Joseph Larmarange atteste de l’importance d’un engagement communautaire et de l’implication des pairs-éducateurs (comme dans le projet PRINCESSE). Elle doit également être accompagnée de nouveaux outils comme les antirétroviraux à longue durée d’action (cabotégravir, lénacapavir), les implants ou encore les anneaux vaginaux. Certes « aucun outil ne propose de solution miracle », mais sous l’égide d’une mise en œuvre interdisciplinaire, ceci permettrait une meilleure implémentation des projets auprès des populations clés.
Pour illustrer cela, Nicolas Nagot (CHU de Montpellier, PCCEI) a présenté les stratégies de recrutement en réseaux au sein des populations en situation de vulnérabilité qui sont essentielles pour contrôler les épidémies. Ces stratégies se sont développées lors des 20 dernières années en s’appuyant sur les connexions sociales. La méthode RDS (respondent-driven sampling) basée sur une incitation à participer, est appliquée au sein de l’étude DRIVE au Vietnam. De ces projets de recherche, des programmes sont nés : le programme CHEER au Vietnam, ICONE en France. Ce modèle de recrutement en réseau est très efficace et adaptable, mais malheureusement pas assez utilisé en France.
Lors de son intervention, Younes Yatine (ALCS Maroc) a rappelé l’importance et l’apport des communautés dans les recherches scientifiques. Pour illustrer cela, il a présenté différentes actions basées sur l’utilisation de l’échantillonnage axé sur les répondants (RDS) pour le recrutement des populations clés au Maroc. Younes Yatine a également insisté sur l’utilisation des réseaux sociaux, qui permettent un recrutement ciblé des populations, de faire de la sensibilisation et de la promotion des services de prévention proposés (PrEP et autotest notamment).
Marion Di Ciaccio (Coalition PLUS) a ensuite présenté le programme EPIC dont l’objectif est de documenter l’adaptation et l’innovation des acteurs de santé communautaire et des organisations communautaires pendant la crise Covid-19. Cette étude a démontré qu’une flexibilité importante des services proposés durant la crise sanitaire ont permis de maintenir le fonctionnement des organisations communautaires et de ses acteurs, en prenant en compte les nouveaux besoins des populations tout en y intégrant les outils de prévention de la Covid-19.
Concernant les traitements du VIH, l’infectiologue Clotilde Allavena (CHU de Nantes) a fait un panorama des traitements antirétroviraux (ARV) à longue durée d’action, parmi lesquels le cabotégravir, la rilpivirine, le lénacapavir, l’islatravir. Ces traitements innovants limitent la contrainte d’une administration quotidienne. En utilisation curatrice, ils ont montré que leur efficacité n’est pas inférieure à celle des traitements classiques et qu’ils leurs sont même supérieurs en utilisation préventive, pour limiter le risque d’acquisition d’une infection VIH. Elle a également abordé les limites de ces traitements et des dispositifs plus innovants encore, mais a un stade moins avancé de développement (implants rechargeables, inserts vaginaux, etc…).
Séverine Carillon (CEPED/Expertise France) s’est également intéressée aux ARV à longue durée d’action, mais cette fois-ci d’un point de vue des sciences sociales. A travers deux études, les projets CLAPT (Île-de-France) et TIVIH (Sénégal), elle a démontré qu’en plus de leur efficacité clinique, les ARV doivent également être évalués dans un contexte de vie réelle. La « vie sociale » des médicaments doit être étudiée pour mieux appréhender l’acceptabilité et la faisabilité des traitements afin de permettre une meilleure implémentation en fonction des contextes. Les ARV injectables posent de nombreux défis et sont imbriqués dans une diversité d’enjeux. Elle a orienté sa réflexion autour de trois enjeux sociaux : la médicalisation, les inégalités d’accès aux soins et à la prescription et la stigmatisation.
Daniela Rojas Castro (Coalition Plus) a expliqué tout au long de sa présentation l’importance de l’approche communautaire dans les projets de recherche et l’implication commune des différents acteurs (médecins, associations, pairs-éducateurs, etc.) pour que celle-ci soit efficace et adaptée. Elle a illustré ses propos à travers deux projets : le premier porte sur le dépistage et la rétention dans le soin au Maroc, au Mali et en Roumanie, et le second (ANRS SEXTRA) sur les travailleurs du sexe dans huit pays. Ils ont non seulement permis d’atteindre des populations clés difficilement accessibles, mais ont également montré le rôle primordial des pairs-éducateurs dans la mise en place et le suivi des projets. Elle conclut sur les nombreuses difficultés que rencontrent les pairs-éducateurs dans le manque de reconnaissance de leur statut et de leur métier.
Pour terminer la journée et afin d’illustrer l’action des centres de santé sexuelle en Afrique de l’Ouest, August Eubanks (SESSTIM) a présenté les principaux résultats du projet CohMSM-PrEP, mené entre fin 2017 et 2021 dans quatre cliniques communautaires pionnières dans les soins apportés aux hommes ayant des rapports avec des hommes (HSH). Les participants à l’étude, séronégatifs, bénéficiaient tous les trimestres d’une prise en charge globale de santé sexuelle, incluant la PrEP. Cette étude a démontré que l’approche communautaire agit comme un levier pour sensibiliser les participants et attirer de nouveaux profils de personnes et que l’éducation par les pairs favorise une bonne observance et le maintien dans l’étude. En revanche, la vulnérabilité (notamment socio-économique), l’isolement de la communauté HSH et la consommation importante d’alcool constituent des barrières limitant l’efficacité de la PrEP.
Pour ce début de session, la Dr Isabelle Defourny (présidente de MSF France) a présenté Epicentre, satellite de Médecins sans frontières, qui propose un modèle alternatif à la recherche académique et industrielle. Dans les centres ouverts au Niger et en Ouganda, soins et recherche s’articulent pour une adéquation des projets aux besoins des populations locales. Des projets tels que l’évaluation du Rotasiil®, le recueil de données épidémiologiques ou la démonstration de l’efficacité d’une dose partielle de vaccin contre la fièvre jaune répondent à certains défis auxquels ces régions font face (insécurité politique, contraintes logistiques dont l’absence de chaîne du froid, prévalence importante de la malnutrition, épidémies…). Epicentre travaille également au renforcement de l’expertise au niveau local en soutenant notamment des chercheurs dans l’obtention de leur doctorat, mais aussi en développant leur leadership.
Ensuite, le Pr Piero Olliaro (ISARIC, université d’Oxford) a présenté MOSAIC, essai multicentrique sur mpox. Malgré une initiation précoce, les autorisations réglementaires furent obtenues alors que les cas diminuaient (rappelant l’échec des essais sur Ebola en 2014). Il y a aussi eu des divergences réglementaires selon les dix pays impliqués. A la suite de cette expérience, Piero Olliaro a fait quelques propositions : anticiper avec un protocole type à adapter, harmoniser avec des méthodes standardisées et faciliter l’évaluation par les autorités avec un système réglementaire approprié.
Alice Desclaux (IRD, TransVIHMI) a ensuite tiré le bilan des projets et réseaux multi-sites de recherche en sciences humaines et sociales (SHS) dans les pays à revenu faible et intermédiaire (PRFI), avec trois exemples : le réseau historique SHS Ebola, devenu le réseau anthropologie des épidémies émergentes (RAEE), le réseau Sonar-Global et le groupe « recherche opérationnelle » plateforme Covid OMS en Afrique de l’Ouest et du centre. S’ils présentent quelques limites, ces réseaux ont démontré leur intérêt scientifique en matière de recueil de données et d’analyse, sur les itinéraires et les interfaces. Ils sont également utiles pour mettre en évidence les différences entre les contextes sociopolitiques et les dispositifs sanitaires. Une enquête auprès des chercheurs a également recensé les besoins pour l’avenir de : développer les compétences SHS sur les maladies infectieuses émergentes (MIE) dans les équipes des PRFI, mettre en place des formations de chercheurs multi-pays pour favoriser les collaborations, soutenir la transdisciplinarité et d’être un lieu d’échange formalisé.
Thomas Jaenisch (Center for Global Health, États-Unis / Heidelberg Institute of Global Health, Allemagne) a souligné, lors de sa présentation, l’importance des données issues des cohortes d’histoire naturelle dans le cadre des maladies infectieuses émergentes. De nombreuses questions sur les facteurs de risque et la variabilité des manifestations cliniques subsistent, notamment dans le cas de l’infection par le virus Zika. Le suivi de cohortes, telle que celle formée au sein du consortium ZIKAlliance, est indispensable pour une meilleure caractérisation clinique et l’estimation de l’incidence des maladies.
Pour finir, Nathalie Bergaud (Hospices Civils de Lyon) a présenté la mise en place d’un réseau de laboratoires dans le cadre d’EU-Response (consortium créé lors de l’épidémie de Covid-19) afin d’obtenir des résultats comparables, alors que de nombreux essais étaient en cours. La mobilisation des laboratoires a été indispensable dans la mise en place de nouvelles techniques avec un protocole bien défini. Le collaboration avec l’industriel bioMérieux a permis de bénéficier d’outils robustes et d’une solide expertise. L’enjeu est maintenant de pérenniser ce réseau et de garantir sa réactivité en cas d’émergence.
Laurent Abel (Inserm, Institut Imagine) a introduit la session 4 en présentant les résultats de travaux sur la susceptibilité génétique dans le cadre de deux maladies infectieuses touchant la population mondiale : la tuberculose et la Covid-19. Il a traité des mutations du virus, qui sont à l’origine de variants plus ou moins virulents, mais également des mutations chez l’hôte qui le rendent plus susceptible de développer des formes graves. La recherche d’auto-anticorps dans de nombreuses pathologies virales (Covid-19, grippe sévère, fièvre jaune, etc.) est un enjeu majeur pour la communauté scientifique, qui permettra de donner des réponses plus spécifiques et adaptées.
Lors de son intervention, Éric Delaporte (université et CHU de Montpellier) a mis l’accent sur l’enjeu de santé publique que représentait le réservoir humain du virus Ebola. Classiquement associé à une infection aiguë grave, le virus Ebola s’est avéré être également responsable de forme « chronique » de la maladie. Des études de suivi de cohortes de survivants à l’infection ont révélé l’existence chez certains patients d’une persistance virale après guérison. Au-delà des problématiques liées à la persistance de certaines manifestations cliniques, ce groupe de patients constitue une source supplémentaire de contamination.
Ensuite, la parole a été donné à Sophie Trouillet-Assant (HCL, CIRI), qui dirige un laboratoire de recherche visant à identifier de nouveaux outils de diagnostic innovants, rapides et fiables afin de permettre une prise en charge personnalisée des patients souffrant d’infections virales respiratoires. Au travers des études ANTOINE, RESPIFERON ainsi que sur le SARS-CoV-2, ses travaux ont permis de confirmer que la quantification de l’interféron de type I (IFN-I), exprimé en première ligne de défense immunitaire au cours d’une infection virale, pourrait améliorer le diagnostic virologique et ainsi constituer un biomarqueur universel. Les patients présentant des affections sévères de Covid-19 expriment des auto-anticorps contre ces IFN-I, altérant ainsi leur capacité à combattre l’infection. L’utilisation d’IFN-β recombinant permettrait de restaurer la réponse antivirale en présence de ces auto-anticorps. L’étude de ces différents biomarqueurs depuis la réponse immunitaire de l’hôte permet dans un premier temps d’améliorer le diagnostic mais également d’identifier les patients à risque de développer une infection sévère.
L’hépatologue Victor de Ledinghen (CHU de Bordeaux) a fait un point d’étape sur le chemin vers l’élimination du virus de l’hépatite C, que l’OMS a fixée pour 2030. A l’échelle mondiale, le bilan est très contrasté, avec moins de pays sur la voie du succès que de pays en retard. La volonté politique, les financements, l’existence de programmes de réduction des risques, la levée des restrictions de prescription aux spécialistes sont des composantes essentielles à l’éradication du virus. L’organisation des parcours de soins revient aux soignants : pour réussir la micro-élimination de l’hépatite C, il faut à la fois dépister et traiter les populations à risque, mais aussi la population générale.
Olivier Robineau (SMIT, CH de Tourcoing) a ensuite questionné la définition du « Covid long » dont les symptômes sont variables (fatigue, perte de l’odorat, maux de tête, douleurs musculaires, essoufflement, toux, etc.). Si tous ces symptômes ne peuvent être associés systématiquement à l’infection, la souffrance des patients est réelle et il est important d’identifier le ou les mécanismes physiopathologiques afin d’améliorer la prise en charge. Plusieurs hypothèses ont été présentées ce jour, notamment celle d’un réservoir de SARS-CoV-2 qui maintiendrait un état inflammatoire, de la présence d’auto-anticorps qui cibleraient certains organes, d’un déséquilibre du microbiote et d’une persistance virale dans certains tissus, ou de lésions tissulaires.
Pour clore la session sur le « Cure », Fernando Réal (CNRS, CIIL) a présenté ses travaux sur les réservoirs viraux en se focalisant sur les macrophages et les mégacaryocytes. Le rôle de ces deux cellules myéloïdes n’est pas négligeable dans la constitution de réservoirs persistants. Les mégacaryocytes peuvent être infectés par le VIH et, ainsi produire des plaquettes stockant le virus. Parallèlement, les macrophages résidant dans les tissus sont des réservoirs du VIH capables de produire des virus infectieux après leur réactivation et qui résisteraient aux traitements antirétroviraux, en partie via l’immuno-métabolisme. Le modèle proposé montre que ces plaquettes infectées par le VIH-1, issues des mégacaryocytes, seraient phagocytées par les macrophages, contribuant ainsi au maintien des réservoirs dans ces cellules.
Afin de mettre en lumière les liens entre vie sauvage et communautés humaines, la Pr Raina Plowright (Cornell University, USA) a, dans son intervention, pris pour exemple l’émergence de cas d’infections à virus Hendra en Australie survenues lors de l’hiver 2011. Ce virus a provoqué un taux de mortalité de près de 60 % chez l’homme et de 80 % chez les chevaux. Ses travaux ont mis en évidence le lien entre les oscillations climatiques (phénomène El Niño) et la survenue de carences alimentaires l’hiver chez les chauves-souris (réservoirs naturel du virus) qui, de fait, doivent quitter leurs nichoirs forestiers au profit de zones agricoles. Cela conduit au relargage du virus dans les pâtures et provoque donc des contaminations des chevaux puis des hommes à leur contact. Ces épidémies hivernales sont récurrentes en Australie mais ne surviennent jamais en cas de floraison des eucalyptus dans les forêts (réservoir alimentaire pour les chauves-souris). Il existe donc une solution préventive évidente en recréant les habitats naturels : la santé environnementale étant interdépendante de la santé animale et humaine. Raina Plowright a donc conclu que la préparation aux pandémies doit s’inscrire dans une approche « One Health« , via la recherche de contre-mesures efficaces et intégrant la préservation des habitats naturels des animaux.
Béatrice Grasland (ANSES) a par la suite présenté un exemple de panzootie récente préoccupante : l’influenza aviaire H5Nx. Ces sous-types hautement pathogènes sont tous issus d’une souche identifiée en 1996 en Chine chez une oie sauvage. Cette souche a donné naissance depuis à une multitude de sous-types, s’est recombinée pour former des dérivés H5Nx dont le clade 2.3.4.4b, qui s’est propagé dans le monde entier. Ce clade a depuis été à l’origine d’une mortalité massive dans les populations d’oiseaux sauvages, mais également responsable de 14 cas humains (dont quatre sévères). Un nombre croissant de franchissement de la barrière des espèces a également été constaté. En effet, plus de 28 espèces de mammifères différents ont été infectés depuis 2020 et la transmission inter-mammifères a récemment été mise en évidence dans un élevage de visons en Espagne. L’influenza aviaire s’adapte donc davantage aux mammifères, c’est pourquoi elle nécessite une vigilance renforcée afin d’éviter sa transmission de l’homme à l’animal.
Le Dr Placide Mbala-Kingebeni (université de Kinshasa / INRB, RDC) a fait une présentation sur mpox. Il a mené une étude interventionnelle dans la communauté de Kole en RDC, une zone où la maladie est endémique depuis les années 1980. Il a recueilli des informations sur l’évolution naturelle de la maladie dans les régions d’Afrique centrale affectées par le clade I, utiles pour la mise en place de futures études cliniques sur le traitement. De plus, grâce à des focus groupes et des discussions avec les membres de la communauté, il a relevé que le virus, bien connu, pouvait être perçu comme étant dû à des forces surnaturelles. Les personnes malades ont ainsi tendance à d’abord recourir aux traitements traditionnels et spirituels, avant de consulter le personnel médical, dont le coût est également élevé. Cela retarde les soins et impacte la mortalité due à mpox.
Pour clore la session « One Health » et ces journées scientifiques, Guillaume Fournie (INRAE / Royal Veterinary College of London) s’est intéressé aux liens entre la circulation du virus de l’influenza aviaire et les systèmes et réseaux commerciaux de volailles vivantes, en prenant l’exemple du Bangladesh. Une étude interdisciplinaire, mêlant sciences biologiques et sociales, a permis de mieux caractériser les pratiques sur le terrain, le contexte socio-économique et les comportements des acteurs des réseaux de production et de distribution des volailles vivantes et leur influence sur la dynamique et la diversité génétique du virus. Il a par exemple été observé une amplification et un brassage viral entre les fermes et les marchés, des dynamiques de transmission du virus intra-marchés supérieures à celles inter-marchés et également en amont, une étape ignorée dans les mesures de contrôle au Bangladesh.
Le poster de Cécile Hérate, directrice d’études à l’IDMIT, a été récompensé pour ses qualités scientifiques et pédagogiques. La chercheuse n’étant pas présente, Romain Marlin, chef de projet de la même équipe, l’a représentée. La lauréate et son équipe sont parties du constat que les modèles animaux de mpox sont limités et ne reflètent pas complètement la physiopathologie du virus. Ils ont alors mis en place un modèle d’infection modérée par le mpox chez le primate non humain, qui permettra à court terme de tester l’efficacité des schémas vaccinaux et thérapeutiques et d’affiner la compréhension des mécanismes de transmission du virus, notamment sexuelle.
Pour conclure ces deux journées de conférence, le Pr Didier Samuel, président-directeur général de l’Inserm est intervenu et a loué les thèmes développés tout au long de ce colloque. La réponse aux maladies infectieuses et la préparation aux futures crises sanitaires sont aussi des enjeux d’importance pour l’Inserm. Il a précisé que l’expérience de l’ANRS | Maladies infectieuses émergentes bénéficie à l’Inserm pour l’ensemble de ses activités. La synergie entre l’agence et l’institution s’observe notamment dans le pilotage du PEPR MIE, dont le premier appel à projets a été ouvert récemment. L’engagement international de l’agence, dont le dernier exemple est la création de la plateforme PRISME en République démocratique du Congo, fait également écho à celui de l’Inserm.
Le ministre de la Santé et de la Prévention, le Pr François Braun, a ensuite adressé une vidéo remerciant l’apport de l’agence dans l’avancement de la recherche médicale française. Les investissements dans la recherche au travers de France 2030 et du programme hospitalier de recherche clinique (PHRC) sur les maladies infectieuses illustrent le soutien que le ministère apporte à la recherche et à l’accompagnement des équipes hospitalières. Enfin, il est revenu sur l’approche « One Health » qui, dans le contexte de dérèglement climatique et de risque élevé de zoonoses, fait des chercheurs, des acteurs humanistes.
Le mot de la fin a été prononcé par le Pr Yazdan Yazdanpanah, qui a indiqué que malgré l’actualité, près de 350 personnes ont répondu présentes au rendez-vous de l’agence hier et 250 aujourd’hui, ainsi que 300 personnes à distance. Il a ensuite remercié tous les acteurs de la recherche, les collaborateurs de l’agence, mais aussi les ministères de la Recherche, de la Santé, des Affaires étrangères et de la Transition écologiques pour leur soutien, ainsi que l’Inserm, avec qui l’agence a tissé des liens vitaux, bien que l’ANRS | Maladies infectieuses émergentes reste avant tout l’agence de l’ensemble des chercheurs et des communautés.