Les lésions anales intra épithéliales de haut grade (HSIL), secondaires à une infection persistante par un papillomavirus humain (HPV), en particulier HPV16 (Lin, Lancet infect Dis 2017), sont reconnues comme précurseur du carcinome épidermoïde du canal anal.
Les hommes ayant des relations sexuelles avec des hommes (HSH) infectés par le VIH ont un risque de cancer anal très élevé (>100 par 100,000 personnes-années), justifiant un programme de depistage. Cependant, il n’existe pas de consensus international sur l’algorithme approprié pour le dépistage et le traitement des HSILs, en grande partie parce que leur histoire naturelle est mal connue. En effet, leur prévalence dans cette population parait particulièrement élevée (20 à 50%) (Machalek, 2012). Ainsi la question de la persistance et de la régression de ces lésions est essentielle, puisqu’il parait évident que toutes ne progressent pas vers le cancer. Pourtant, très peu d’études sur l’évolution de ces HSIL existent, et des données très récentes suggèrent qu’une proportion substantielle peut régresser sans traitement, principalement en l’absence d’infection par HPV16 (Grulich, IPV conference, 2017).
En France, il n’y a pas de prise en charge recommandée pour les patients VIH+ atteints de HSIL détectée par dépistage (rapport Morlat 2017), il appartient au proctologue de la définir. En l’absence de recommandations, il existe un risque de surdiagnostic et de surtraitement des lésions à faible tendance évolutive, et ce d’autant plus que leur traitement est potentiellement délétère avec un taux de récidive élevé.
Seule une étude longitudinale des HSIL sans recours à un traitement systématique permettrait de combler ce manque d’information. En effet, la persistance à long terme de HSIL pourrait être considérée comme le meilleur indicateur du risque de cancer anal.
L’étude ANRS EP57 APACHES a recruté avec succès 513 HSH VIH+ âgés de ≥35 ans dans 6 centres hospitaliers français pour un suivi de 2 ans, avec, au moins une fois par an, un frottis anal pour cytologie et recherche de multiples marqueurs d’infection à HPV, suivi d’une anuscopie haute résolution (AHR) avec biopsie en cas de lésion visible (Combes, JID, 2018). Les HSIL détectées n’ont pas été traitées, mais surveillées tous les 6 mois. Le recueil de données est toujours en cours, mais des signes de régression des HSIL ont été observés et aucun cancer anal n’a été détecté.
A la fin d’APACHES (dernières visites prévues mi-2018), nous proposons d’étendre le suivi à 5 ans pour les 150 participants ayant présenté une HSIL (cytologique ou histologique) au cours du suivi. Ces participants seront invités à poursuivre une surveillance proctologique par AHR tous les 6 mois pendant 3 ans supplémentaires afin de caractériser les taux de persistance/régression des HSIL à 5 ans.
De nombreuses données virologiques (HPV), cliniques (proctologiques, VIH), cytologiques et histologiques ont déjà été recueillies depuis l’inclusion d’APACHES, et ce nouveau projet permettra la détection d’autres marqueurs moléculaires à partir de la biothèque APACHES. Toutes ces variables seront analysées et évaluées comme marqueurs prédictifs potentiels de persistance ou régression des HSIL à 5 ans, à l’aide de modèles de survie par les épidémiologistes au Centre International de Recherche sur le Cancer, qui ont une expérience dans les études épidémiologiques sur le HPV, le VIH et le cancer.
APACHES HIGH GRADE devrait donc apporter une contribution unique à la compréhension de quels HSILs sont de véritables précurseurs du cancer anal, permettant de sélectionner les patients qui vont réellement benéficier d’un dépistage avec AHR et d’un traitement. Ces données sont fondamentales pour déterminer une stratégie et des modalités de dépistage du cancer anal, chez les HSH VIH+, population le plus à risque, mais également dans d’autres populations à haut risque, notamment les femmes VIH+.