L’infection VIH se caractérise par une persistance virale chronique, notamment du fait d’une efficacité insuffisante de la réponse immunitaire antivirale, en particulier lymphocytaire T. Cette réponse immunitaire anti-VIH défective est liée à l’augmentation de la fréquence des lymphocytes T régulateurs (Tregs), mais aussi à celle de lymphocytes T ayant un phénotype d’épuisement lymphocytaire.
L’épuisement lymphocytaire est également impliqué dans l’échappement des cellules tumorales à l’immuno-surveillance. L’impact du microbiote intestinal sur la réponse T anti-tumorale a été récemment démontré. Au cours des immunothérapies par inhibiteurs des « immune checkpoints », une modification du microbiote intestinal est en effet susceptible de moduler l’efficacité de l’immunothérapie anti-tumorale.
La muqueuse intestinale est un compartiment majeur de réplication initiale du VIH-1, puis de persistance virale sous traitement. Ce compartiment se caractérise au cours de l’infection par le VIH par une déplétion en lymphocytes Th17 mais une augmentation en Tregs producteurs des cytokines immunosuppressives IL-10 et TGF-b ; une dysbiose intestinale ; une inflammation muqueuse avec perte de l’intégrité de l’épithélium ; et des phénomènes de translocation microbienne.
Nous faisons l’hypothèse que le microenvironnement intestinal, siège d’une stimulation antigénique chronique par le VIH et les produits microbiens, en présence d’une augmentation de l’expression d’IDO-1 et de la fréquence des Tregs, pourrait induire une différenciation des lymphocytes T anti-VIH vers un phénotype d’épuisement lymphocytaire.
Dans une 1ère partie, nous caractériserons le compartiment intestinal à partir de biopsies obtenues par endoscopie au niveau du duodénum, de l’iléon, et/ou du colon sigmoïde chez 40 patients infectés par le VIH-1 et 40 témoins non-infectés, préalablement recrutés dans l’étude ANRS EP61 GALT.
Le microbiote intestinal présent dans les biopsies de muqueuse intestinale sera caractérisé de façon étagée par NGS 16S. Les paramètres du microenvironnement muqueux intestinal seront étudiés par étude du transcriptome des cellules épithéliales (Fluidigm), par étude métabolomique, notamment de la voie du Tryptophane et des métabolites kynuréniques, et par dosage multiplex des cytokines/chimiokines.
Le réservoir viral (ADN/ARN VIH-1) sera quantifié au niveau des T CD4+muqueux et la réponse T spécifique anti-VIH sera mesurée par cytométrie en flux (fréquence des LT anti-VIH tétramères + ; polyfonctionnalité par étude de la dégranulation CD107a et la production de cytokines intracellulaires; prolifération).
Le phénotype des lymphocytes T, notamment la balance Th17/Tregs, et l’expression des marqueurs d’épuisement lymphocytaires T (PD-1, CTLA-4, TIM-3) seront étudiés par cytométrie en flux au niveau intestinal et sanguin.
Dans une 2ème partie ex-vivo, utilisant un modèle d’histocultures intestinales et de cocultures entérocytes/lymphocytes T, nous chercherons à préciser les mécanismes impliqués dans l’induction du phénotype d’épuisement lymphocytaire T. Nous explorerons notamment le rôle de la réplication du VIH-1, des interférons de type I et II, d’IDO-1, des Tregs, et de différents stimuli microbiens dans l’induction d’un phénotype d’épuisement lymphocytaire T.
Ce projet devrait permettre de mieux comprendre les interactions entre le microbiote intestinal, la muqueuse digestive, et l’immunité anti-VIH, notamment les facteurs concourants à l’induction d’un phénotype d’épuisement lymphocytaire T. Ceci pourrait permettre le développement de nouvelles stratégies d’immunothérapies anti-VIH.